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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 15:23

Il n'est point, pour la politique polono-allemande, de question plus épineuse que celle de Dantzig.

On connaît le sort fait par les traités à ce port, constitué, avec sa banlieue, en Etat libre, sous l'égide de la S.D.N. Ville de population allemande, encore qu'elle abonde de souvenirs polonais, Dantzig tire de la Pologne le plus clair de son activité et de ses ressources ; elle est, pour ainsi dire, l'exutoire naturel de l'immense pays qui s'étend de la »Baltique aux Carpathes et aux confins de l'Ukraine.

La S.D.N. et la Pologne sont représentées chacune par un haut-commissaire, auprès du Sénat de la ville. Mais elle a, en ce qui concerne son administration intérieure, toutes les prérogatives d'un Etat indépendant.

Situation assez ambiguë, unique en Europe, et qui ne va pas, bien entendu, sans provoquer des conflits sans cesse renouvelés. Les griefs de Dantzig à l'égard de la « nation protectrice » sont nombreux, sinon justifiés.

Dès avant la guerre, l'activité du part s'était de beaucoup ralentie. La création d'une Pologne libre n'a pas remédié à cette situation; et ce n'est pas sans amertume que les dantzikois ont assisté à la création, par le nouvel Etat et sur le golfe même de Dantzig, du port militaire et marchand à la fois de Gdynia. Ce port, creusé et équipé de toutes pièces en quelques années, ne va-t-il pas aggraver enclore la situation économique déjà précaire de la Ville Libre ? .....la conclusion d’un emprunt destiné de permettre la construction d’une ligne de chemin de fer qui reliera Gydnia, et donner à coup sûr, un nouvel essor, on multiplié les alarmes des dantzikois. Cette concurrence leur porte ombrage, qui est, à entendre leur presse, parfaitement déloyale et, ajoutent-ils, totalement contraire à l'esprit du traité de Versailles.

De deux choses l'une argumentent les feuilles nationalistes de la Ville Libre : ou là Pologne doit se contenter de Dantzig, ou il n'y a plus de raison à maintenir Dantzig dans cet état de séparation avec le Reich que lui ont imposé les traités. Telle est l'argumentation de la presse dantzikoise. Mais il s'en faut, à vrai dire, que tout se borne à argumenter. Séparée du reste de l'Allemagne, Dantzig n'en est peut-être pas moins la ville allemande où le chauvinisme teuton est le plus développé et le plus ombrageux.

Les dernières élections, qui ont eu lieu en octobre dernier, ont envoyé au Sénat une majorité compacte de rationalistes, dont un fort contingent d'hitlériens. M. Ziehm, président du Sénat, est représenté par la presse polonaise comme un ennemi juré de la Pologne et de tout ce qui est polonais.

De fait, l'un des premiers actes du nouveau Sénat a été d'avertir Varsovie que le port de la Ville Libre serait, désormais, fermé aux navires de guerre polonais, Gdydnia, disait la note du Sénat, étant en mesure de leur servir de base et de port d’attache. .....

Bien entendu, les éléments nationalistes de la Ville Libre, n’épargnent aucune brimade. Il ne se passe presque pas de jour que de nouveaux sévices ne lui soient infligés...

Le premier est l'affaire d'un certain Gengierski, de nom polonais, mais de nationalité allemande, qui, ayant à se plaindre d'une compagnie de navigation, et déçu de voir ses réclamations sans-résultat, assassina l'employé à qui il attribuait son échec.

Cet employé était polonais. Arrêté, Gengiérski déclara qu'il avait tué l'employé, non pour des raisons personnelles, mais parce que son interlocuteur, au cours de leur altercation, avait, blessé ses sentiments patriotiques ; cette méthode de défense produisit le résultat qu'il attendait. Gengierski fut acquitté.

Le deuxième incident est dû aux hitlériens. Certain soir du mois de mars, un groupe de racistes, en « tournée » sur le port, aperçut, sur le pont du navire polonais Copernic, un matelot, nommé Styrbick, qu'ils attirèrent à terre, battirent jusqu'à ce qu'il perdît connaissance et qu'ils abandonnèrent sur la place. Le malheureux Styrbick fut transporté à l'hôpital, pansé, guéri, et il se disposait à regagner son bord, quand un policier se présenta, lui mit la main au collet et le conduisit séance tenante en prison, sous l'inculpation d'avoir... troublé la paix publique.

Ces événements ont motivé la démission de M. Strassburger, haut-commissaire de la Pologne à Dantzig. Dans la lettre qu'il a adressée au, Sénat, M. Strassburger proteste contre la situation faite aux Polonais dans la Ville Libre, et, constatant son impuissance à y porter remède, devant le mauvais vouloir des autorités, il déclare renoncer à une mission qu'il n'a pas-les moyens de remplir.

Sélectionné et mis en forme par Jean Aikhenbaum

Sources Je suis partout du n° 24 du 09.05.31 p.5

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