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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 09:34

Sciences et nazisme, texte d’une allocution

Les sujets que nous allons aborder ce soir sont différents de ceux que vous avez l'habitude de voir traiter et qui ont rapport à la dernière guerre mondiale. Si nous avons choisi de faire un travail dessus, c'est pour des raisons bien précises. La première d'entre elles, c'est que ces faits sont la plupart du temps totalement ignorés du grand public et que seuls quelques spécialistes leur consacre ou leur on consacré du temps. A tel point comme vous allez vous en apercevoir des choses primordiales n'ont fait l'objet que de peu de recherches. Ces lacunes, sont en partie explicables par les raisons que les chercheurs ont besoin de crédits pour poursuivre leur travail. Sans crédit, pas de recherches, sans recherches pas de connaissance, sans connaissance, des faits importants tombent dans l'oubli.

Ce petit préambule pour vous dire que nous allons vous parler ce soir de trois sujets bien différents qui ont tous trois traits à le 2ème guerre mondiale. Ils ont en commun d'avoir été perpétrés grâce à des travaux de scientifiques.

Les deux premiers sont dramatiques, puisqu'ils touchent à des expérimentations faites sur les déportés, et internés par les scientifiques allemands qui n'avaient pas plus que les nazis d'états d'âme particuliers. Ils étaient là pour une tâche bien précise et en fonctionnaires rigoureux l'ont effectué en mettant en oeuvre toutes leurs compétences et leur savoir.

Tous les scientifiques allemands ne se conduisirent pas de la sorte, quelques uns quittèrent l'Allemagne. Les savants nazis retardèrent-ils leurs travaux sur la bombe atomique, pour ne pas la mettre entre les mains d'Hitler, rien n'est moins évident. On sait qu'en 1941, Niels Bohr, prix Nobel de physique en 1922, qui était directeur de l'Institut de physique théorique de Copenhague rencontra Heisenberg physicien allemand qui avait été son élève. Heisenberg aux dires de certains, aurait tenter de faire passer aux scientifiques alliés, qu’il connaissait bien, un message afin de mettre un frein à leur travail respectif sur la fission nucléaire. Cette thèse est peu crédible, puisque les nazis continuèrent leur recherche sur l’atome. Bohr, quitta le Danemark en 1943 pour se joindre à l'effort de guerre des alliés. L'histoire ensuite on la connaît, les américains les premiers disposèrent et utilisèrent l'arme nucléaire.

Mais, même si quelques rares scientifiques allemands eurent quelques scrupules à contribuer à l'effort de guerre nazi, ce ne fut pas le cas de la majorité d'entre eux. Nombreux, avides de gloire, ou de tranquillité contribuèrent activement et se montrèrent très coopératifs avec le pouvoir.

Il nous semble ici intéressant de faire une distinction, même si dans l'horreur ces travaux sont inadmissibles, condamnables indignes d'hommes qui se veulent ou se croient civilisés, il n'en reste pas moins des travaux de recherches qui reposent sur des bases indiscutablement scientifiques, ou l'horreur et l’ignominie dans leurs objectifs certes, ne peut être écarté mais qui néanmoins débouchent sur des faits mesurables et qui restent des travaux scientifiques au sens propre du terme.

Il en va tout différemment pour les faits que nous allons vous exposer dans la troisième partie de notre exposé, qui concernent la mise en place et l'exploitation d'une supercherie nazie dont l'origine remonte aux années 20 et qui s'est poursuivie jusqu'à la signature de l'armistice.

Nous voulons également vous dire, que nous avons publié sur ces différents sujets plusieurs articles deux dans Actualités Juives, dans une version grand public, et un plus spécifiquement destiné à des spécialistes dans le Courrier de l'Environnement de l'Institut National de la Recherche Agronomique.

Ce travail doit être dédié aux victimes, mais également aux témoins qui nous les ont fait connaître à savoir :

à Monsieur le Professeur T.CHROSCIELEWSKI, dont nous parlerons

à Monsieur le Professeur W.SKURATOWICZ officier de la résistance polonaise et déporté dans le camp de concentration de Majdanek, Professeur de zoologie de l’Université de Poznan, a qui nous devons avoir eu connaissance de travaux de Heck.

A Monsieur le Professeur Dvorjetski, survivant du ghetto de Vilnus, professeur de médecine et d'histoire des sciences à l'Université de Tel-Aviv, qui nous a permis de réaliser le travail sur le Dieffenbacchia

à Madame le Professeur Christina DASZKIEWICZ, professeur de droit pénal à l'Université de Poznan, spécialiste des crimes de guerre. Officier dans l'armée clandestine polonaise A.K et auteurs de plusieurs ouvrages.

Ces articles paraîtront également dans les prochains numéros du journal que publie l'association des Enfants cachés.

Ce n'est qu'avec un retard de plusieurs mois que nous avons appris avec tristesse le décès de M. le professeur T. Chroscielewski. Il était Chercheur à la Faculté de Médecine de Poznan en Pologne. C'était l'un des personnages clé de la vie intellectuelle de la Pologne de l'après guerre. Il avait été officier de A.K. (l’armée clandestine polonaise), et avait été déporté au camp concentration d'Auchwitz. Le professeur T. Chroscielewski était fortement lié aux valeurs démocratiques. A plusieurs reprises, il prendra courageusement position pour s'opposer au pouvoir communiste en place. C'était également un médecin légiste renommé, il fut par exemple l'initiateur de la contre-expertise médico-légale dans l'affaire de l'assassinat par la police politique communiste du père Popieluszko. Nous avons eu la chance de le rencontrer au cours de notre dernier voyage en Pologne. Le sujet de notre conversation était lié à l'ouvrage (que nous sommes en train de préparer) sur les "récupérations d’expérimentations criminelles nazies contre l'humanité" par la science et les techniques actuelles. Le professeur Chroscielewski pendant plusieurs années mena un combat difficile, contre l'utilisation par les étudiants de manuels d'anatomie et de physiologie faits à partir d'expérimentations sur les "cobayes humains" par les médecins et scientifiques nazis.

La ville de Poznan a été l'une de premières villes polonaises occupées par l'armée allemande en 1939. Les répressions contre la population civile furent particulièrement féroces, la ville fut déclarée allemande et la grande majorité de la population polonaise "déplacée". dès leur retour dans la ville en 1945, les chercheurs de la Faculté de la Médecine firent une macabre découverte. Les sous-sols du bâtiment universitaire du Collegium Anatomicum recélaient une quantité importante de cadavres. Une certaine partie d’entre eux, dont quelques soldats de la résistance furent identifiés. Mais la grande majorité reste toujours à ce jour anonyme. La ville avait été libérée trop rapidement pour que les "scientifiques" allemands réussissent à détruire toutes les preuves de leur horrible besogne. La documentation abandonnée, l'analyse des nombreux organes humains conservés dans le formol, les interrogatoires du personnel allemand subalterne arrêté juste après la libération ne laissent planer aucun doute. Il s'agissait d’expériences faites sur des "cobayes humains" et la grande collection anatomique[1] trouvée résultait de l'assassinat de prisonniers et d'internés. Ces documents révèlent que plusieurs exécutions furent spécialement commandées par des chercheurs-medecins afin d'obtenir un matériel "intéressant". Ces derniers surveillèrent personnellement les exécutions afin d’expliquer au bourreau comment assassiner proprement, pour que "le matériel obtenu" soit "utilisable scientifiquement".

Les noms des responsables de toutes ces atrocités sont bien connus:

On y trouve notamment le professeur Hermann Voss. Mais après la guerre Hermann Voss fut récupéré par la RDA, n'a nullement été inquiété et devint l'un des "mandarins" de la médecine de l’Allemagne Communiste. Il continua à travailler et à enseigner pour diverses universités de RDA. Sa position importante le tiendra hors de portée de la justice polonaise qui était totalement contrôlée à cette époque par les communistes. Dans la version "officielle" de l'historiographie marxiste tous les criminels de guerre étaient jugés et condamnés. S’ils ne l’étaient pas, c’est qu’ils se trouvaient en R.F.A, ou éventuellement en Amérique du Sud, mais ne ne pouvaient faire partie des autorités scientifiques de RDA.

Le Professeur T. Chroscielewski avec une petit équipe de chercheurs réussit à conserver la documentation faites par les nazis sur ces crimes et plus particulièrement celles qui avaient trait aux activités de Voss. Lui-même scientifique et pathomorphologiste il constata avec effroi, que plusieurs publications scientifiques de Voss publiées après la guerre étaient...basées sur ses recherches effectuées sur les internés et prisonniers durant la guerre. Bien évidement, Voss avait pris soin de modifier les dates et les lieux, mais il n'y avait pas le moindre doute. Les résultats publiés étaient identiques en tous points à ceux effectués sur les prisonniers de guerre. Mieux encore, certain de son impunité, Voss ne prit même pas soin de modifier ses communiqués. La documentation retrouvée en 1945 à Poznan, était reproduite la plupart du temps mot pour mot. Comme dans l'horreur la limite n'existe pas, ces recherches criminelles sont à l’origine d'un manuel d'anatomie destiné aux étudiants. Ce manuel eu un grand succès international. Il fut, ce que l'on peut appeler un best seller. On compte pas moins de 15 éditions en langue allemande et trois en langue espagnole dont une destinée à l’Argentine.

Nous avons pu consulter une édition de 1979. D’après M. Chroscielewski, il y eu d'autres éditions postérieures de cet ouvrage, dont nous pouvons vous fournir les référence. (Taschenbuch der Anatomie, Hermann Voss, Robert Herlinger Edition Veb Gustav Fischer Verlag Jena 1979).

Mais le véritable choc s’est produit, quand M. le professeur Chroscielewski apprit que le manuel avait été vendu à un éditeur polonais, dans le but de l’utiliser pour les cours d'anatomie. L'intervention de groupes de chercheurs polonais fut immédiate, le manuel fut retiré de la vente et interdit. De plus, d'après le professeur Chroscielewski il existe disponible des manuels de qualité supérieure anglais ou américain dont la rédaction ne porte aucune ambiguïté éthique, mais dont apparemment les droits d'édition sont plus chers. Les chercheurs polonais firent à la suite de cette affaire un dossier sur cet "ouvrage" et sur l'activité de Voss et l’adressèrent à plusieurs organismes internationaux de médecins. Hermann. Voss osa prétendre que "les chercheurs Polonais avaient falsifié son curriculum vitae" et que les recherches faites à Poznan pendant l'occupation de la Pologne étaient utiles et "servaient toujours l'humanité". Il a fallut attendre l'unification allemande et l’action de journalistes berlinois pour que le manuel disparaisse (seulement en partie) des programmes universitaires. Mais, rassurez-vous, personne n'a jamais puni Voss, personne n’a songé non plus à retirer les titres de "Docteur Honoris Causa" que détient "ce grand savant allemand". Malgré son autorité scientifique incontestable le Professeur T. Chroscielewski n'a jamais réussi changer cette situation.

Notre second sujet, concerne une plante ornementale appelée le

Dieffenbachia seguine,

Nous considérons que cette plante peut également symboliser les crimes contre l'humanité en voici les raisons :

On s'est aperçu qu'un cancer bien spécifique touche des survivants des camps de concentration, il a la particularité de se manifester chez certains d'entre eux, avec quelques 60 ans de retard ! cette référence provient d'un journal scientifique spécialisé. (ref.Urology 48 (6) 1996).

Pour les spécialistes américains, ces cancers sont le résultat de l’expérimentation criminelle de scientifique nazis sur les déportés et sur des prisonniers. Les chercheurs se sont posés et se posent encore de savoir quel est le type de substance injecté en porte la responsabilité. Il faut savoir que ces substances ont été administrées à des fins de stérilisation. La réponse a cette question est d’autant plus difficile à mettre en évidence, que les victimes sont dans l’incapacité de pouvoir apporter de quelconques précisions sur les expérimentations qu’elles ont subies.

Jusqu’à ce jour, ce mystère perdure, et n’est toujours pas élucider malgré de nombreuses recherches effectuées dont celles patronnées par le Musée de l’Holocauste en Israël.

Ceci nous fait penser à une expérience nazie méconnue du public et on peut ajouter de la plupart des spécialistes.

Vous avez très certainement rencontrées et peut être en avez vous même chez vous, des espèces du genre Dieffenbachia. Ce sont des plantes ornementales qui entrent souvent dans les décors de nos appartements. Elle sont très populaires. On les trouve très facilement chez tous les fleuristes, pépiniéristes et même dans les supermarchés. Elles émettent des substances volatiles intéressantes pour nos organismes que l'on appelle phytoncides. Le Dieffenbachia seguine jouit depuis longtemps d’une réputation particulière. C’est "le curare de la Haute Amazonie", les indiens l'utilisent pour empoisonner leurs flèches. The Gardner's and Botanist's Dictionnary dans sa version publiée par Philippe Miller en 1807, relate qu’il était utilisé dans les Caraïbes pour châtier les esclaves récalcitrants. A cette fin, on introduisait dans la bouche des victimes, des feuilles ou du jus de Dieffenbachia seguine. Les indigènes l’utilisaient également à faibles doses comme contraceptif et à plus fortes doses pour stériliser leurs ennemis.

En 1940, G. Madaus et R. Koch, deux chercheurs publièrent en Allemagne un article sur les stérilisations d’animaux de laboratoire obtenues à l’aide du Dieffenbachia seguine. Un médecin allemand, le Dr Adolf Pokorny considéra que cette découverte était "primordiale pour l'intérêt politique du Troisième Reich". Il adressa une note personnelle au chef des S.S. Heinrich Himmler, pour lui proposer cette plante afin de stériliser "les ennemis du peuple allemand ” : quelques millions de prisonniers de guerre, des détenus politiques, des prêtres et des juifs. Le Dr. Pokorny suggéra de garder secrètes toutes les recherches et d’entreprendre la culture intensive du Dieffenbacchia dans des serres prévues à cet effet.

Himmler fut extrêmement intéressé par le communiqué de Pokarny. Il approuva cette proposition et la trouva "de la plus haute importance" pour les nazis. La réalisation d’une politique massive de stérilisation des citoyens des pays occupés, était désormais possible, il fallait l'entreprendre au plus tôt.

Pohl, responsable S.S. des camps de concentration fut chargé de fournir toute l'infrastucture et la logistique pour la production et les premières expérimentations du Dieffenbacchia seguine sur les humains. Les Tziganes détenus dans le camp de concentration de Lakenbach ont éte les premiers cobayes.

La culture en serre du Dieffenbachia seguine ne donna pas les résultats préalablement escomptés. Pris par le temps, et désireux de mener à bien leur projet les responsables de cette expérimentation décidèrent alors d’importer massivement la plante d’Amérique du Sud, d'où elle est originaire. Mais en 1942, fort heureusement, le Brésil déclara la guerre à l'Allemagne et les sous-marins alliés assurèrent un blocus efficace qui ralentirent notablement l'application industrielle à grande échelle de ce projet. Ils n'en demeurent pas moins exact, que cette expérimentation a pu se faire tout de même à un échelon que l’on peut qualifier de plus artisanal.

L’utilisation du Dieffenbachia seguine à des fins criminelles a fait l'objet d'enquêtes du Tribunal International de Nurenberg. Ce qu'il faut savoir, c'est que cette tâche a été particulièrement ardue pour les enquêteurs par le fait que la majorité des documents avaient été détruits dans les derniers jours de la guerre par les nazis. Ceci on le comprend bien afin de laisser le moins de traces possibles disponibles.

Les enquêteurs réussirent néanmoins à découvrir que l'Institut mis en place pour cette expérience a fonctionné jusqu'en avril 1945. Le Tribunal de Nurenberg n'a toutefois jamais réussi à définir l’endroit précis des cultures. Ils en conclurent qu'elles devaient se situer "à proximité d'un des camps de concentration".

Lorsque l'on interrogea les botanistes allemands qui participèrent à ce projet, il prétendirent ne pas connaître la finalité et l'objectif de leurs recherches. Le Dr A. Pokorny soutint même que "son travail sur le Dieffenbachia seguine avait pour but de saboter les projets d’Himmler. De son avis cette plante n'avait aucune action stérilisante, et son application sur les humains était impossible". Parmi les officiers S.S. jugés comme criminels de guerre, quelques uns se montrèrent plus coopératifs et dénoncèrent ou plus exactement se déchargèrent sur leurs complices scientifiques. Ainsi, R.Brandt reconnut que : "grâce à la proposition du Dr Pokorny, des expériences avaient bien été faites sur des détenus des camps de concentrations et que celles-ci avaient pour but de tester l’efficacité de cette plante.”

M. Dvorjetski, survivant du ghetto de Vilnus, professeur de médecine et d'histoire des sciences à l'Université de Tel-Aviv consacra plusieurs années de sa vie, afin de tenter d’élucider l'énigme sur les recherches secrètes faites par les botanistes nazis. Il retrouva plusieurs témoins et de nombreux nouveaux documents. Il localisa même les terrains de cultures qui étaient situés à proximité du camp de concentration de Dachau*.

Il nous semble d’autant plus important de rappeler que cette plante est étroitement liée et directement impliquée dans le génocide, que les protagonistes de ces crimes n’ont jamais été punis ni même inquiétés. Mieux encore, ces derniers réussirent à semer le doute dans l’esprit des juges et il fallut plusieurs années de recherches au professeur Dvorjeski et aux historiens des sciences anglais pour convaincre le public, les médias et démonter les thèses négationnistes qui avaient trait à ce sujet.

Piotr Daszkiewicz – Docteur es-Sciences - Historien des Sciences - biologiste

Jean Aikhenbaum -

* Cet article est fait à partir des publications et communiqués du professeur Dvorjetski.

Ce texte, ainsi que celui qui a été précédemment publié dans Actualités Juives sur le faux aurochs de Heck, fera parti d’un ouvrage en préparation sur l’histoire de la participation des scientifiques nazis à l’holocauste.

[1]L'assassinat massif de prisonniers pour "enrichir les collections anatomiques" était un crime commis plus souvent que nous pouvons le supposer. Ce particularisme de l'histoire est moins étudié que l'expérimentation mais il existe d'autres exemples bien connus, comme celui de la collection de squelettes du "professeur" Hirt de Strasbourg, qui afin de "faire des études d’anatomie comparative entre les Juifs et "d’autres races", fit assassiner 170 personnes et leur corps furent mis à la disposition de cette "collection" (dans cette collection, on répertorie 129 Juifs, 2 Polonais, 4 Asiatiques et 35 victimes d’origines incertaines).

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