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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 10:39

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On a fait beaucoup de bruit, ces derniers temps, autour d'une déclaration émanée des Allemands de Lodz et qui tendrait à poser, sous un jour nouveau et assez inattendu, le problème de la minorité allemande en Pologne.

Dans cette déclaration, adressée au Président de la République, au maréchal Pilsudski et au président du Conseil par l'Association culturelle et économique allemande de la grande cité industrielle, s'exprime a l'égard de la commune patrie polonaise ; un loyalisme qui ne semble pas de commande et qui paraît, à première vue, fort sincère. D'autant que les Allemands de Lodz ne laissent pas de condamner avec énergie les « menées révisionnistes de leurs congénères de Berlin et de Munich.

L'irritante question des minorités nationales, si graves pour l'avenir de l'Est de l'Europe et de l'Europe, en général, serait-elle, au moins sur un point, en Voie de liquidation ? On ne manquera pas de rapprocher les déclarations des Allemands de Lodz de celles de quelques-uns des chefs de leurs frères de race de Tchéchoslovaquie. N'a-t-on point entendu récemment un Allemand de Bohème, ministre du gouvernement de Prague prêcher publiquement la pacification des esprits et la réconciliation des deux éléments, tchèque et germanique, pour le bien supérieur du pays qui, disait-il, est aussi notre pays ?

On songera encore que le seul fait que ces minorités allemandes, riches, puissantes, fortement organisées, acceptent de se plier à la domination de peuples slaves — on sait le mépris que professe tout authentique Allemand a l'égard de la race slave — est un gage assez rassurant de la consolidation du statut politique et territorial créé par tes traités de 1919 en ces contrée où les antagonismes de race risquent à tout instant de mettre le feu aux poudres. Il faut, cependant, y regarder de près...

Remarquons, tout d'abord, que la déclaration en question émane d'un groupe d'Allemands, puissant à vrai dire, mais isolé au sein d'une ville authentiquement polonaise, au sein d'une masse polonaise compacte. ll y a une page de Luc Durtain sur Lodz, porte occidentale du monde slave, qui est curieuse et fort juste de ton. Le commerce et l'industrie germaniques ont pu, il est vrai, s'y créer une position de premier plan, le pays n'en demeure pas moins indiscutablement polonais et, de fait, ni Treviranus ni les idéologues hitlériens ne l'ont fait, jusqu'à présent, figurer sur la liste de leurs revendications. Lodz, avant la guerre, appartenait à la Russie, dont elle était l'une des places fortes industrielles. De sorte que le développement économique de la grande cité textile n'est aucunement orienté vers l'Allemagne ; il est plutôt tourné vers l’Est, vers l'intérieur de la Pologne et le monde slave.

Cette situation n'a pas été sans tisser, avec le temps, un étroit enlacement, une profonde solidarité entre les différents groupes de population qui vivent de l'industrie de la ville. Et il n'est aucunement étonnant que les Allemands eux-mêmes, qui l'habitent, se montrent disposés à ratifier une situation qui est, somme toute, favorable à leurs intérêts. Ils ne sont pas, du reste, les seuls en Pologne à se trouver dans ce cas. La Galicie, elle aussi, a sa minorité allemande. Ce sont des colons introduits au XVIIIème siècle en ces régions par Joseph Il et qui, ayant maintenu intact pendant deux cents ans leur, caractère racial, vivent aujourd'hui encore dans des villages à eux, où l'on ne parle que l’allemand et où la tradition du Deutschturn est toujours en honneur.

Mais, de ce côté non plus, nul irrédentisme. Une collaboration s'est depuis longtemps instituée avec l'élément polonais, qui ne laisse aucune prise aux idéologies nationalistes de l'Allemagne revancharde d'aujourd'hui.

Toutefois, ce ne sont là que des cas exceptionnels ; et il s'en faut que les Allemands de Lodz expriment au vrai le sentiment des autres minorités allemandes de Pologne. On se souvient des incidents sanglants qui ont marqué, en Haute-Silésie polonaise, les élections générales de novembre dernier. Ici, le temps n'a pas encore fait son œuvre. Les deux peuples, Allemand et Polonais, sont toujours l'un en face de l'autre, dans une hostilité menaçante que n'amortit qu'à peine la communauté des intérêts. Ici encore, comme à Lodz, c'est entre les mains des Allemands que se trouve la majeure partie de l'industrie, richesse du pays. Mais la situation est autre. La Haute-Silésie a trop longtemps gravité dans l'orbite du Reich dont elle faisait l'une des sources principales de prospérité.....

Autre question épineuse : les Ruthènes de Galicie orientale. Des efforts avaient été tentés, ces dernières semaines, pour aboutir à un accord. Ces tentatives ont échoué, les représentants des partis ukrainiens ayant refusé d'accepter les conditions posées par les Polonais ; c'est à savoir : premièrement, une déclaration solennelle de loyalisme faite à la Diète par les députés ruthènes ; deuxièmement et surtout, le retrait des plaintes déposées à Genève par la représentation parlementaire ukrainienne à la suite de la répression des troubles de l'été dernier en Petite Pologne. La question reste donc pendante. Toutefois, les Polonais viennent d'enregistrer un succès moral considérable.

L'évêque uniate de Przemysl, Mgr Lhomiszyn, dans un mandement retentissant, vient de condamner avec vigueur les menées séparatistes des nationalistes ukrainiens. « L'intérêt de l'Ukraine, a-t-il déclaré en propres termes, est une Pologne forte, un Etat polonais puissant, mais, ajouté, juste... » Cette initiative a eu, il est vrai, pour résultat de déchaîner contre l'évêque les journaux nationalistes ruthènes. Mais l'influence de l'Eglise uniate est grande parmi les masses ukrainiennes de Galicie reste à espérer, pour la paix de l'Europe, que les paroles de l'évêque de Przemysl seront entendues.

Choix de texte Jean Aikhenbaum

Sources (Je suis partout 1931)

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