Parler du coût de la santé est un non sens, si l’on se réfère au dicton populaire qui dit que la santé n’a pas de prix. Sous entendu, quel que soit l’argent dont on dispose, on ne peut en échange obtenir ou acheter de la santé, ou bien encore en vendre, nul magasin ou entrepôt ne dispose de stock de ce type. Vouloir vendre de la santé n’est donc par définition qu’une pure vue de l’esprit et une affirmation totalement fantaisiste. Peut on dans ce cas parler de chiffre ? de prix, ce qui reviendrait à admettre la notion de santé marchandise, et partant de ce raisonnement admettre également qu’un amortissement, comme tout bien de consommation, est inéluctable. Plus on amortirait notre capital santé, moins celui ci serait disponible et que par voie de conséquence nous deviendrions malade.
L’industrialisation médicale vectrice de pathologies ?
Plutôt que d’entrer dans de telles considérations, la réflexion qui s’impose est, sommes nous à l’abri des dépenses liées à notre santé ? La réponse est évidente, nous sommes depuis l’industrialisation médicale de plus en plus dépendant d’un système qui fait des citoyens des pays dits développés, des consommateurs de soins, afin de faire de nous des hommes, des femmes des enfants conforme à un stéréotype bien défini, mais surtout dépendant d’un système économique, qui et cela est normal, doit générer des profits.
Consommateurs de soins de santé, quel avenir ?
Les laboratoires disposent de moyens colossaux pour faire de nous des consommateurs de médicaments, médias, pub, images de toutes sortes nous proposent des modèles types de bonne santé... Vitalité, bonheur, dynamisme, beauté définis comme but ultime à atteindre.
L’envahissement de la technique médicale dans notre vie quotidienne est de plus en plus évidente. On peut facilement imaginer et penser que d’ici quelques décennies, voire quelques années, les pays industrialisés, ne seront que de vastes hôpitaux, dans lesquels s’exerceront des activités annexes.
Cette médicalisation à outrance, est néfaste pour bon nombre de raisons :
Elle fait de nous des être diminués, aliénés à un système, et dépendants de soins.
Elle nous rend incapable de réactions personnelles, d’une auto thérapie éventuelle ; seuls le pouvoir et le savoir médical ont compétences thérapeutiques.
L’industrie de la santé, est l’un des secteurs économiques les plus importants.
C’est l’un des rares, qui même en période de crise, dégage des profits.
Le danger que présente l’industrialisation médicale à été maintes fois dénoncée, comme étant un danger majeur pour notre santé, comme le souligne fort justement Yvan Illitch :
Les sociétés nanties d’un système coûteux, sont impuissantes à augmenter l’espérance de vie, sauf dans la période péri natale.
- L’ensemble des actes médicaux produit de nouvelles maladies iatrogènes : L’infirmité, l’angoisse et la maladie qui découle de l’acte médical constitue l’épidémie la plus importante qui soit et cependant la moins reconnue.
- Les mesures pour enrayer la iatrogénèse rendront cette maladie insidieuse, tant que le public tolérera que la profession qui en est responsable, la cache comme une infection honteuse. Ainsi qu’on peut le constater, la somme des actes préventifs, diagnostiques et thérapeutiques ayant pour cible les maladies spécifiques abaisse le niveau global de santé de tous les individus composants cette société, en réduisant leur autonomie.
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Le niveau de santé ne s’améliore pas pour autant qu’augmente les dépenses de santé censées la préserver.
Il faut donc voir là, soit l’inefficacité des soins prodigués, soit que la société donne naissance à des populations affaiblies et de plus en plus malades. La prise en charge par la collectivité, l’ingérence de celle-ci dans tous les domaines de la vie, réduit le citoyen des pays industrialisés au rôle d’assisté, qui constitue l’un des facteurs de l’inadaptation de l’homme à son environnement. Faire croire au public que par la technologie médicale la santé globale des individus augmente au fur et à mesure que celle ci progresse et que nous dépendons de cette technologie n’a de fait qu’un seul et unique but, rendre le citoyen dépendant de soins, pour accroître les profits des trusts pharmaceutiques.
Autrement dit, la croissance de la part médicale dans les dépenses s’est accrue, et constitue un indicateur de déclin de l’indépendance biologique des citoyens.
Il est important de souligner un point essentiel, qui se trouve être depuis quelques années la préoccupation première de nos gouvernants et n’émeut pas particulièrement nos syndicalistes :
En France, la progression des dépenses de santé s’accroît disproportionnellement par rapport aux revenus de la production nationale.
Dans les pays riches, les dépenses en matière de santé, connaissent une croissance exponentielle. Les problèmes qu’elles engendrent sont de véritables casse-tête pour les responsables des finances publiques. Les progrès de la médecine semble avoir l’effet inverse de celui escompté, ils augmentent pour certains d’entre eux, la gravité de la maladie, le nombre de malades, et placent certains d’entre eux sous tutelle médicale et d’autres dans l’incapacité d’avoir accès aux soins.
En 1981, pour les habitants des pays riches 2.500 milliards de francs ont été dépensés pour les soins de santé.
L’industrie de la santé, un secteur en perpétuelle expansion.
Durant les années 50/70 l’indice des prix a progressé de 74 % ; alors que les dépenses de santé ont progressé de 330 % . Pour les 20 dernières années l’accroissement des dépenses est quasiment identique, les trous des assurances maladies sont bien évidemment comblés avec l’argent du contribuable.
Si l’on prend pour hypothèse que le rôle de la médecine est de faire retrouver sa santé au malade, on peut pour le moins s’interroger sur l’importance des moyens mis en oeuvre pour y parvenir et s’étonner du peu de résultat obtenus.
Le coût en augmentation des dépenses de santé peut s’expliquer par l’augmentation des prescriptions, analyses, radios, scanners et autres méthodes d’investigations ainsi que l’augmentation notable des prescriptions tant en volume qu’en prix.
Paradoxalement, malgré ces dépenses en continuelle augmentation, on note un accroissement des maladies dégénératives, cancers, maladies cardio vasculaires qui frappent de plus en plus d’individus jeunes cause d’une morbidité accrue chez les adultes de 25 à 50 ans.
Bon nombre de patients de cabinets médicaux se plaignent de malaises plus ou moins précis, la plupart de ceux ci sont directement liés à leur mode de vie excès de tabac, d’alcool, alimentation trop riche excès de graisse animales de charcuteries, de sucre, café, drogue etc. habitation inadéquate, travail et transport épuisants, stress, pollution de l’air de l’eau, alimentation frelatée et dénaturée, additionnée de colorant, de gélifiant, de conservateur, prescription médicamenteuse excessive, vie sédentaire, solitude affective, bruits, pollutions électromagnétique etc. sont autant la source de pathologies diverses allant du mal être à l’insomnie en passant par les dérèglements du système digestif.
Face aux formes nouvelles de mal être, la seule réponse que l’on nous propose est purement technique, elle est le reflet de la société industrielle dans laquelle nous vivons, et passe par l’augmentation de soins de santé.
Les thérapies proposées se veulent efficaces, pour ce faire on tente d’établir un diagnostic précis d’identifier l’ennemi qui est en nous, de manière à le cibler et à l’anéantir. Les termes employés sont les mêmes que ceux utilisés par tous les tenants du système industriel, qu’ils soient : médecins, militaires, industriels ou politiques... on cible pour anéantir l’adversaire, l’agresseur, ou le concurrent.
Ces thérapeutiques utilisent des moyens les plus sophistiqués, pour arriver à leurs fins : Le but étant de supprimer les symptômes en ignorant les causes et l’origine des pathologies. Le symptôme peut être gommé, mais les raisons demeurent, la maladie va donc se manifester autrement, s’amplifier, prendre une forme chronique à laquelle on donnera un nom barbare avec pour finalité une thérapie plus lourde que la précédente.
Yvan Illitch, qui dans Némèsis Médicale souligne que :
La prolifération des professionnels de santé, n’est pas seulement malsaine, parce que les médecins produisent des lésions organiques ou des troubles fonctionnels : elle l’est surtout parce qu’ils produisent une dépendance à l’acte.
L’exemple de la vieillesse est frappant dans la plupart des sociétés traditionnelles, elle est conçue non comme une maladie, mais comme un état qui est signe d’expérience, de savoir, de sagesse et de raison.
Dans nos sociétés, lorsque les gens arrivent au troisième âge, il ne leur reste guère plus de jours à vivre que dans le passé. Peu importe, la quantité et la qualité de soins et de drogues qu’ils prennent, au delà de 65 ans l’espérance de vie n’a guère évolué. Même si parfois, on gagne quelques jours, quelques mois, c’est souvent au prix d’une grande souffrance on ne fait qu’ajouter des jours aux jours, sans tenir compte de la qualité que peuvent avoir ces jours*.
Le traitement médical du vieillard est souvent une mystification cruelle, qui ne marche que grâce à la crédulité du patient.
Henri Charles Geffroy, fondateur de la Vie Claire, allait même jusqu’à avancer qu’elle (la médecine) est la plus immorale, il émettait l’hypothèse que la maladie est non pas un événement fatal, imprévisible, mais le résultat de fautes commises, contre les lois de la Vie, et qu’une méthode qui se borne à combattre les manifestations visibles sans se soucier de leur cause première, sans essayer de découvrir si des fautes n’ont pas été commises par le malade et sans exiger avant tout traitement, qu’il réforme ses habitudes, une telle méthode ne fait qu’inciter l’homme à persister dans ses erreurs, ce qui équivaut à transformer des fautes légères en vice par la force de l’habitude et qui devenue impérieuse domine sa volonté. Ce point de vue peut éventuellement choquer, ajoute Geffroy, mais comme Gandhi, il ajoute que «l’erreur ne devient pas vérité sous prétexte qu’elle se propage et grandit et que la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit». Parmi les diverses méthodes qui existent pour guérir les maladies, la médecine est celle qui présente le moins d’intérêt et qui offre le moins de garantie.
Bien entendu, à cette façon de penser les tenants des thérapies actuelles, répondent que certes tout n’est pas parfait, qu’il existe bien des inconvénients liés aux actes médicaux, mais que globalement les «progrès» faits, donnent des résultats plutôt positifs. Ces propos font généralement références à l’allongement de la durée de la vie, à la disparition de certaines pathologies et épidémies qui décimaient dans les siècles passées les populations.
Ces constatations appellent quelques réserves, pour l’allongement de la vie. Les statistiques sont relativement récentes, et que celle-ci a commencée à progresser bien avant la venue de la médecine technicienne. Si un bond en avant a été fait au 20°siècle, l’hygiène y a largement contribué. Il est utile de rappeler qu’il a fallut attendre la fin du 19° siècle, pour que les accoucheurs se lavent les mains avant de faire des accouchements. La mortalité infantile et celle des femmes en couches a fortement diminuée ce qui a en contre partie augmenté la durée de vie.
Des scientifiques, nous disent, laisser nous votre corps «marchandise», nous le gérerons, et nous lui ferons donner le meilleur, vous serez efficace, performant, et vous l’utiliserez très longtemps. La preuve, nous gagnons 3 mois de vie chaque année.
Donc, les tenants de ces théories s’attribuent allègrement les bénéfices de cet allongement de la vie.
Il faut dire que ce type d’argument à la défense des prouesses de la médecine, laisse difficilement indifférent. Or, ainsi que nous l’avons dit, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela et font abstraction d’un certain nombre de considérations :
- Lorsque l’on allonge la durée de la vie, c’est souvent ajouter pour des patients en phase terminale des jours aux jours, c’est viser une performance qui est dans la lignée de ce que fait ou veulent faire nos techniques industrielles.
- Si l’on considère que l’on gagne 3 mois de vie par an, les probabilités d’espérance de vie pour un enfant qui nait aujourd’hui seraient donc les suivantes :
- si la moyenne de vie actuelle pour un homme est de 76 ans, le jeune garçon qui naît aujourd’hui vivra donc 76 : 4 X 5 = 95 ans environ et pour une petite fille 82 : 4 X 5 = 102 ans, cette extrapolation est peut être optimiste, mais pas très sérieuse. Elle est faite en fonction de références passées récentes et la projection sur l’avenir, ne peut être que pour le moins incertaine. Elle ne tient pas compte de données qui sont inquantifiables, à savoir les aléas imprévisibles liés aux systèmes vivants.
*Il s’agit, bien entendu de l’opinion d’Yvan Illitch, qui au regard des statistiques est inexacte. La durée au delà de 65 ans, a effectivement progressée ces cinquante dernières années, la plupart du temps avec accroissement de pathologies et de dépendances aux soins.
http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/le-deremboursement-immediat-de-102616
Jean Aikhenbaum
Piotr Daszkiewicz