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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 18:15

les mythes de la science moderne 

 

 

La vache folle, Tchernobyl, Fukushima et autre catastrophes passées et à venir

 

          L'affaire de la vache folle est particulièrement intéressante pour un historien des sciences, car elle  souligne   l'existence et l'importance de plusieurs mythes et rêves que véhiculent notre société sur la science contemporaine. Quels sont ces mythes ? Quelles peuvent être les conséquences de ce regard irrationnel  sur les problèmes de santé que nous pouvons rencontrer ?

Mythe n° 1

          La science contemporaine  est si performante qu'elle pourra résoudre tous nos problèmes. Il faut seulement lui laisser un peu plus de temps et lui donner un peu plus de moyens. Cette pensée naïve qui donne  à la science le rôle de  religion et aux chercheurs leur attribue celui de prêtres peut être très dangereuse, car elle déresponsabilise la société, ses dirigeants et les individus qui la compose. La science providence peut nous permettre de faire tout et  n'importe quoi. En fonction de ce mythe elle  est, et sera toujours en mesure de nous fournir les moyens nécessaires pour faire face et réparer les dommages  causés par nos comportements irresponsables.

          Pourtant l'histoire de "l'affaire de la vache folle" démontre bien les lacunes  de notre savoir même dans des domaines  étudiés depuis des décennies, la maladie de Creutzfeld-Jakob a été  décrite en 1920  pour la première fois et la tremblante du mouton  est  connue depuis au moins le dix-huitième siècle. Déjà, en 1936 les chercheurs français Cuillet et Chelle parlaient "d'un pathogène non conventionnel" de la tremblante. Ces deux chercheurs ont réussi à démontrer la possibilité de  transmission de cette maladie entre des espèces différentes (des moutons vers des chèvres). Jusqu'à ce jour, malgré des années passées et les énormes moyens financiers mis en oeuvre les scientifiques sont  totalement incapables d’apporter une réponse aux questions de base. Il existe par exemple 9 théories sur le caractère de ce mystérieux agent pathogène (virus, rétrovirus, prions etc.). On connaît très peu de choses ou presque rien sur les conditions du déclenchement de la virulence du prion-protéine, de la transmission sans ADN décelable, ainsi que l’influence que joue  les facteurs environnementaux et génétiques.

Mythe n° 2

          Un fait établit scientifiquement permet l’application rapide d'une technique efficace sur le terrain. Pourtant d'après  une  enquête menée par la BBC, malgré le dépistage obligatoire par  l’une des plus performantes équipe technique  biochimique du monde, pour l'abattage de 140.000 bêtes chaque semaine, on constate néanmoins  qu’au moins 600 bovins malades se retrouvent  dans  les assiettes des consommateurs. La raison est simple : avant que la maladie ne se manifeste il est très difficile, voire impossible de  détecter la présence d’agents  pathogènes. Enfin, jusqu'à ce jour toutes  nos techniques s’avèrent   impuissantes  face à ce micro-organisme qui peut survivre 24 h à une  température de 160°, qui résiste  aux radiations ionisantes,  aux  UV et qui peut sans dommage rester au moins trois mois enfoui dans  le sol.

Mythe n° 3

          La position sociale et le crédit accordés aux  experts  scientifiques ont une telle importance qu'il est impossible de nier et de remettre en cause les faits qu’ils décrivent  et publient.    Pourtant en mars 1989 le plus prestigieux journal de science Nature dans  un article  soulignait  les risques  de transmission de la tremblante du mouton à l'homme. Pendant sept ans les pouvoirs publics ont passé sous silence cette information et sont restés  totalement sans réaction, d’autres articles publiés par la presse scientifique faisaient  état  et confirmaient  ces découvertes. Les autorités britanniques et européennes ont même démenti des données existantes et disponibles, qui soulignaient  la possibilité de transmission verticale de la maladie de la  vache à son  veau. Le mythe de la puissance politique qui accompagne  la science permet de faire croire aux individus  que les résultats scientifiques ont des répercussions immédiates dans la vie courante et sur le plan  administratif. En  1988 l'équipe de chercheurs de Weybridge mettait en évidence que les farines animales étaient responsables  de l'épidémie. Rappelons que les premières mesures qui visaient  à interdire le  commerce de ces produits n’ont été  prises qu’en 1990.

Mythe n° 4

          Les chercheurs sont toujours honnêtes et le seul but de la recherche  est de trouver  la vérité, la science de par son caractère est éthique. Malheureusement les divers "experts", comme dans le cas du nuage de Tchernobyl, ont fourni aux décideurs politiques un alibi pour justifier leur inertie et leur absence de mesure  pour faire face  à la gravité du  problème.

Mythe n° 5

          C'est un mythe réductionniste.  On pense qu'un phénomène naturel et très complexe peut être réduit à une seule cause et expliqué par un seul facteur et remédié par la modification  de ce seul facteur. Ainsi, suivant la tradition  pasteurienne on pense qu'il suffit de déterminer et d’isoler le micro-organisme incriminé pour pouvoir trouver la solution (antibiotique vaccin etc.). C'est un mythe extrêmement  pernicieux, car il est responsable d'une croyance erronée, qui laisse supposer que grâce aux techniques scientifiques il est possible et même facile de trouver une solution rapide pour  résoudre des problèmes très complexes. De plus en choisissant cette option et en restant toujours  optimiste on peut rejeter même les évidences. Dans le  fait de la contamination à caractère alimentaire il suffit donc  au regard de ce mythe, d’abattre les animaux présumés malades et d’interdire l'usage de la farine animale pour que la maladie disparaisse  toute  seule. On a même donné comme  date la  fin de ce siècle. Comme par hasard (phénomène facilement explicable par la psychologie) on préfère aussi  longtemps que possible  ne pas prendre en compte les informations de  possibilité de contamination verticale, la possibilité de survie de ce pathogène pendant plusieurs années dans le sol, la possibilité de contamination par simple contact, l'existence de divers "réservoirs" naturels pour ce virus (prion?),  comme chez certains animaux (et chez l'homme) domestiques et sauvages (les premiers cas d'encéphalopathie ont été  découverts chez un bovidé africain le Nyala et des populations sauvages de bovidés et de cervidés en Afrique et en Amérique sont parfois très  atteintes par l'épidémie). Ainsi on a proposé comme moyen miracle tout simple de ne pas manger de viande bovine en oubliant que la maladie  à comme origine le  mouton, qu'elle touche les chèvres, les animaux à fourrure (visons), les chats (recherches de Wyatt sur le chat domestique) et que cette  maladie est présente chez les oiseaux (les recherches de Schoone en Allemagne ont démontré que la  maladie touchait également  les autruches).

          Enfin le réductionnisme permet de croire  qu'on peut négliger les facteurs environnementaux dans  le déclenchement de la maladie. On oublie que la sauvegarde de la bio-diversité (des formes sauvages mais aussi domestiques) est la seule garantie pour  limiter  l'avalanche des maladies virales qui frappent les pays industrialisés depuis  ces dernières années. En condamnant et en laissant  disparaître des races domestiques on se prive des génomes qui naturellement résistent  aux maladies et on liquide les barrières naturelles qui limitent  la propagation des pathogènes ( les expériences démontrent  que parmi  les animaux artificiellement contaminés 78% de moutons de la race Herdwick développent  la maladie, mais 0% de race Dorset Downs). Enfin on oublie  de faire le rapprochement  gênant entre  les épidémies de grippe d'origine asiatique qui frappent de plus en plus l'Europe  et l'élevage industriel de canards  en Chine.

Mythe n° 6

          Les techniques développées par la science sont toujours bienfaisantes, dans la médecine elles nous sauvent la vie. Les effets secondaires ainsi que les maladies iatrogènes (causées directement ou indirectement par un acte médical), même si elles existent n'ont pas d'importance en comparaison des bénéfices que nous en tirons. Il est donc préférable  de ne pas penser à ces   conséquences. Notre science est si efficace qu'elle permet de prévoir et de prévenir tous les dégâts éventuels. Pourtant la maladie de Creutzfeld-Jakob semble montrer l'importance de ces "insignifiants effets secondaires". Les experts sont quant à eux beaucoup plus prudents que les médias et le grand public. Par exemple, la première piste étudiée par la commission d'enquête dans l'affaire de la vache folle a été la contamination par des vaccins (par analogie avec une des épidémies de la tremblante causée par le vaccin contre le looping-ill).

          Depuis  1985, il est  prouvé que la maladie de Creutzfeld-Jakob est l’une des plus importantes maladies iatrogènes. Que plusieurs personnes ont été contaminées suite à une opération chirurgicale (greffes) ou par traitement  avec une hormone de croissance d'origine humaine  (en France 20 cas en 1993 et 34 cas en 1995).

          Plusieurs  autres  données semblent être également très inquiétantes. Citons, les risques transfusionnels. Les cas de contamination par le sang (provenant de femmes donatrices  qui par le passé ont reçu des  gonadotropines) ont été  démontrés dernièrement en Australie. On parle également des cas de  transmission de la  maladie par des appareillages  qui servent à établir des  diagnostics (notamment des électrodes utilisés pour diagnostiquer  l'épilepsie). Enfin, la contamination du personnel médical et paramédical est de plus en plus préoccupant (en 1994,  33 cas dont par exemple celui d’un chercheur travaillant sur les greffes de dures mères de moutons  et de l'homme). La contamination par simple contact est-elle possible ? Malheureusement, il est impossible encore d’exclure cette hypothèse.

          Nous savons qu'il  est difficile de parler  d’être entendu et de convaincre des lecteurs  ou un auditoire sur le caractère mythologique de certaines démarches "scientifiques". Mettre en cause "l'objectivité" de la science (déjà démontrée par les recherches de Ludwick Fleck et Karl Popper) c'est détruire un rêve sur le progrès et le bonheur. Mais nous pensons qu'il est préférable  de se réveiller avant que le rêve ne se transforme en cauchemar.

 

Perception du mythe  scientifique

 La perception  du monde vivant aujourd'hui telle que la reçoit nos contemporains, pour reprendre un terme à la mode peut être qualifié de virtuelle. Or, l'une des particularités du vivant se caractérise par les diverses mutations et transformations qui s'opèrent et qui sont en corrélation et en interaction avec les autres organismes  vivants.  De nombreuses techniques ont ceci de commun entre autres, tenter de s'opposer à cette évolution, refuser l'impact du temps en voulant masquer ou retarder les transformations.

De la perception du mythe scientifique et des progrès applicables qu’elle génère, découle généralement 4 formes de pensées :

 

1°) La science et la technique sont bienfaisantes.  Elles concourent à améliorer la situation matérielle des individus et participent à accroître  leur bien  être. Les progrès nous sont indispensables et nous ne pouvons imaginer de vie sans eux. Ils seront à même de résoudre ainsi que nous l’avons dit tous les problèmes qui se poseront aux hommes et le bonheur de l'humanité en dépend et en est l'aboutissement. La justification des actions humaines trouvent leur explication dans l'hostilité environnementale qui représente le chaos originel, ou encore le désordre suprême. Vouloir ne serait ce qu’en discuter, c’est vouloir revenir au pire à l’homme des cavernes et au mieux au moyen âge. La science dans ce cas de figure est synonyme de vie. Le discours de nos hommes politiques de quelque bord qu’ils soient, entre dans cette logique, seuls les termes de croissance et de productivité sont censés pouvoir répondre  aux attentes des citoyens et régler les problèmes de chômage, mal être etc. La seule différence que l’on peut noter entre les différents courants, c’est la manière dont ils les appréhendent. On peut être surpris ainsi que nous l'avons dit, de telles prises de positions, qui ne tiennent aucun compte des expériences même issues d'un passé récent. Les seules solutions préconisées sont le développement et l'accroissement des techniques qui ont conduit et participé aux situations dans lesquelles nous nous trouvons.

Dans cette optique sont évidemment occultées ou repoussées toutes objections dissonantes.

 

2°) La science et la technique qui en découlent sont nuisibles. C’est donc l’antithèse de la précédente, si la première a eu ses chantres avec Saint Simon, Auguste Comte, Marx, et les tenants du capitalisme libéral triomphant etc. Peu de philosophes se sont attaqués de front à la science et à ses applications. Même aujourd’hui,  ses détracteurs les plus virulents ne la remettent pas en cause en tant que telle, mais s’attaquent uniquement  au  choix de certaines de ses applications. La science est donc  bonne, mais seul le choix technologique est à revoir dans certains cas.

 

3°) La science et les techniques sont bonnes et mauvaises à la fois. Cette optique diffère des deux autres, bien qu’elle se rapproche de la première. Schématiquement ont peut la résumer ainsi, de chaque application issue des techniques découlent des effets positifs, qui eux mêmes engendrent des effets pervers. Toutefois,  les premiers sont supérieurs aux seconds, les compensent largement et sont capables de faire face et de pallier les éventuelles nuisances.

 

4°) La science et les techniques sont bonnes ou mauvaises en fonction de l’emploi qu’on en fait. C’est l’opinion   la  plus fréquemment répandue.  L’énergie nucléaire est bonne pour ses applications civiles dans ce cas elle est au service du bien ou comme outil dissuasif. Elle est mauvaise ou au service du mal, lorsqu’on s’en sert a des fins de destruction.  Cette option entre  dans la logique que l’homme a la possibilité de choisir la voie du bien ou du mal. Elle est aussi le point de jonction contemporain entre les religions monothéistes avec sous-jacent la notion de péché originel ici, la remise en question des progrès technologiques possibles (pour éviter les mauvais choix) et le scientisme (bon choix) nouvelle religion de l’homo technicus, qui regroupe tous les individus des sociétés industrialisées. Il est à noter que  c’est le seul courant de pensée qui fasse l’unanimité.

Dans l’esprit du public, seuls les progrès issus des technologies sont censés être salutaires.  L’un des paradoxes de ce système, et ils sont nombreux, c’est que les applications techniques arrivent à tant d’efficacité, qu’elles en deviennent parfois inutilisables. Quant aux expériences que nous pourrions tirer des erreurs du passé, celles-ci sont systématiquement occultées. La crise de la vache folle en est l’exemple frappant, nous savons que les farines contaminées sont pour partie tout au moins responsables*, ce qui ne nous empêche nullement de nous préparer à donner aux animaux destinés à l’alimentation humaine, du soja et du maïs manipulés génétiquement. Dans cette démarche, et personne n’est dupe c’est que primo rien n’indique de manière absolue que ces manipulations ne présentent aucun risque, et ce que les seuls à en tirer profit certain seront les laboratoires   qui vont commercialisés ces produits manipulés.

 L’autre exemple que l’on peut prendre, est celui des possibilités qu’offrent  l’informatique, lorsqu’un  utilisateur se sert d’un programme, il n’en utilise qu’une partie, les autres possibilités   lui font perdre du temps lorsqu’il tente occasionnellement de s’en servir,  tant et si bien qu’il finit par les  ignorer.  La  machine destinée à faciliter le travail, finit très souvent par le compliquer et ce phénomène s’amplifie au fur et à mesure des avancées faites par les  nouvelles technologies.

La profusion d’informations que nous percevons  de manière irréelle par le biais des médias, nous font vivre des événements dans lesquels nous ne sommes par directement impliqués, ce qui  nous prive de la relation à la réalité. Ce truchement  a également la particularité  outre qu’il nous désolidarise du vécu, d’émousser notre sensibilité. Nous nous trouvons donc placé dans des situations telles que les événements dramatiques qui secouent la planète parfois à quelques heures d’avion arrivent à nous laisser totalement indifférents. Si, pour des personnes  d’un certain âge l’appréciation à leur juste mesure des drames, conflits catastrophes est encore possible (pour les plus critiques d’entre elles), parce qu’elles ne sont que depuis peu confrontées aux techniques modernes de communication ; il n’en va pas de même pour les jeunes générations qui sont soumises de manière intensive à des images virtuelles, qui fait qu’il leur est difficile  de discerner la réalité de la fiction. Le seul moment ou il leur est possible de le faire, c’est lorsqu’un événement  porte directement atteinte  à leur intégrité physique ou psychique.

 

Il devient impératif d’avoir un autre regard sur les sciences et leurs applications technologiques. Nous ne pouvons plus dans nos argumentations nous en tenir aux  définitions  habituelles par lesquelles nous formulons des appréciations qui ne prennent en compte que le profit immédiat. Nous sommes obligés de constater,  que la science et ce que nous appelons « progrès » visent à créer un ordre limité dans le temps à valeur humaine, dans un espace que nous aménageons de manière artificielle, en fonction de besoins artificiels passagers.  Ceux-ci ne prennent jamais en compte, ni les leçons du passé, ni les besoins des générations futures. Nos techniques projettent sur l’ensemble des systèmes un désordre global, qui modifie les paramètres du vivant, dont les conséquences pour les générations à venir risque d’être catastrophique. Ce que nous percevons comme désordre et que nous modifions en un ordre justifié et limité, nécessaire à la satisfaction de nos besoins, n'est que la création d’un  déséquilibre qui vise à perturber et à rompre les fragiles équilibres des différents écosystèmes. D’un point de vue social, il accroît les disparités entre pays riches et pauvres, aliène les individus,  conforte les inégalités et détruits les liens sociaux. Les nuisances ainsi créées ne sont mesurables, la plupart du temps que par le constat.  Ils ne sont fonction que de nos méthodes d’évaluation, qui sont elles même tributaires de nos savoirs technologiques. Ces méthodes sont obligatoirement arbitraires, puisqu'elles font appel à des techniques d’investigations évolutives. Ce qui fait qu'une substance ou un produit en fonction de nos analyses, peut être considéré anodin aujourd'hui... et dans 5 - 10 ou 20 ans reconnu  toxique ou dangereux.

 

Nous  sommes obligés de constater qu'en dépit de nos moyens actuels, nous sommes dans l'incapacité comme le démontre la crise de la vache folle et les différents problèmes  auxquels l'humanité est confrontée,  de mesurer les processus irréversibles et inattendus que provoquent nos activités industrielles et les modifications qu’elles entraînent  au sein du système vivant. Ceci est d'autant plus préoccupant que les catastrophes (comme Tchernobyl par exemple) sont toujours d'un genre nouveau et par ce fait même imprévisibles. 

Jean Aikhenbaum

Piotr Daszkiewicz



* il existe bon nombre d’autres hypothèses actuellement, vaccinations, répercussions de diverses pollutions, moyens utilisés pour l’éradication du varron  parasite des bovins (organochlorés associés aux organophosphorés) etc. 

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