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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 18:41

L’aurochs de Heck, un sujet tabou !

 

Les  réactions des institutions qui commercialisent les "faux aurochs" ne sont guère étonnantes. Pourtant la lettre de Monsieur le Président de SIERDAH nous a surpris, d’autant qu’il en avait eu connaissance de notre article quelques mois avant sa parution. Il nous avait même remercié de lui en avoir transmis une copie. Dans la lettre qu’il nous adressait alors, il ne trouvait celui-ci ni très « polémique », ni « fort peu scientifique », il ne nous parlait pas de « la vérité (...) facilement travestie par les auteurs », avec, pour appuyer ses dires, signalé que nous avions omis de reproduire un point d’interrogation en le citant dans une note en bas de page.

Nous avons eu quelques difficultés à comprendre plusieurs de ses propos dans la lettre qu’il adresse au rédacteur en chef du Courrier de l’Environnement de l’INRA. Pour quelles raisons dans un pays où la liberté de la presse et celles des recherches scientifiques sont reconnues comme une valeur fondamentale, la rédaction d'une revue devrait-elle se sentir obligée  d'informer un organisme mis en cause,  avant la publication d’un article ? Cette "obligation" concerne-t-elle uniquement les articles sur les "faux-aurochs", ou existe-t-il  une liste de sujets à ne publier qu’avec  l’accord des parties prenantes ou mises en cause ?

De quelle autorité le Président du Syndicat International pour l’Elevage, la Réintroduction et le Développement de l’Aurochs de Heck,  dispose-t-il pour se permettre de juger si un article est "scientifique", "peu scientifique" ou "non scientifique" ? Comment mesure-t-il le degré de scientificité d'un travail ? Peut être que bientôt cet organisme après avoir brillamment réussi la "reconstruction d'une espèce disparue" et la réintroduction des "aurochs" nous proposera une nouvelle conception de l'épistémologie des sciences exactes ? Espérons qu'au moins cette "théorie révolutionnaire" de la science ne trouvera pas  origine comme la précédente chez les mentors  du 3ème Reich.

Pour quelles raisons un organe d’informations devrait-il  s’abstenir de publier un article qui est "fort polémique"? Alors que la polémique  est à l’origine de toutes démarches scientifiques. Est-ce que cette remarque concerne  tous les articles qui sont "très polémiques", ou ceux qui le sont uniquement  au regard de ce Syndicat ou de Heck ?

Une autre phrase est curieuse  "La question était d'ailleurs, dès 1994, de discuter du statut de cet animal". Pourtant,  nous sommes de l’avis de  M. Moutou qui s’exprime ainsi "Personne ne prétend sérieusement que les animaux "reconstitués" sont des aurochs". De plus nous ne voyons aucun intérêt à ce que de nos jours  un scientifique puisse encore discuter du statut de cet animal,  après l’excellente et très complète discussion des naturalistes qui a eu lieu à l'époque de Heck. Il suffit de se référer à leur conclusion qui est sans appel.

     M. le Président du SIERDAH, justifie ainsi son droit de réponse dans le Courrier de l’Environnement de l’INRA (qu’) "Etant donné le préjudice moral que l’article que vous avez publié porte à l’Aurochs de Heck, vous comprendrez (..)"Nous savions qu'au Moyen Age et même plus tard les animaux pouvaient être accusés et parfois accusateurs[1]. Nous  espérons que l'auteur de cette réponse n'est pas partisan d’une telle logique.

Le papier en-tête de  lettre qu’utilise Syndicat International pour l’Elevage, la Réintroduction et le Développement de l’Aurochs de Heck, est associé à une  grande école publique et à un ministère. A quel titre, ces organismes officiels interviennent-ils ? à cette question nous ne pouvons apporter de réponse. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’ils participent à "l’authentification de cette supercherie".  Sous ce couvert, des animaux sont vendus, nous ignorons s’ils bénéficient de subventions,  nous ne connaissons pas le prix pratiqué pour ce genre de transaction, mais il est probable qu’il soit supérieur à celui d’une race traditionnelle menacée de disparition. Nous  avons souligné le caractère fallacieux de cette pseudo-reconstruction (puisque nous avons employé le terme de supercherie) et  politique (puisqu’il s’agit d’une fraude qui trouve son origine dans les propagandes nazies). Comment est-il possible que, dans un cas semblable, la correspondance soit faite en utilisant des références (des moyens ?) publiques  et non privées. La direction de l'Ecole Vétérinaire  de Nantes et son Conseil Scientifique sont-ils au courant de ces pratiques et des origines de cette supercherie ? Comment est-il possible que sur le même papier à en-tête se trouve regroupé le logo du SIERDAH, celui du Ministère de l'Agriculture de la Pèche et de l'Alimentation associé au nom d’un criminel de guerre nazi  ? A ces  questions nous n’avons à notre niveau aucune réponse, notre étude se borne à exposer le contexte réel dans lequel s’est déroulée cette pseudo-reconstruction.

 

 

   

Voici notre réponse publiée dans le Courrier de l’Environnement de l’INRA n° 34[2]

 

Il faut vraiment avoir de l'imagination pour voir dans une simple coquille (absence d’un point d'interrogation dans une note en bas de page) une volonté de "travestir la vérité". Dans notre texte nous avons écrit que M. Guintard  doute du statut de cet animal. Nous avons signalé ces "doutes":

 

. bien qu’il parle de réintroduction et non d'introduction, il reconnaît qu'il s'agit d'un aurochs et que, de ce fait il est possible de   le réintroduire ;

 

. bien qu’il  accompagne ces photos avec l'inscription aurochs (sans guillemets) ;

 

. bien qu’il utilise le nom aurochs reconstitué ;

 

. bien qu’il parle de reconstitution d'aurochs et non de création d’une race nouvelle

 

Nous rappelons que cet animal n'est pas présenté en tant que "bovin rustique".  L’appellation abusive d’aurochs fait  qu’il jouit d’un grand intérêt médiatique, ce qui évidemment le place en position privilégiée par rapport aux autres brouteurs et aux divers projets écologiques dans la course aux  subventions. Dans ce contexte nous sommes très heureux  que M. F. Moutou, confirme que "personne ne prétend sérieusement que les animaux "reconstitués" sont des aurochs". Cette  remarque ainsi que celles sur la convention sur la nomenclature devraient être adressées au SIERDAH et non au Courrier de l’INRA. Nous sommes également d'accord "qu'animal préhistorique" ne signifie pas  grand chose, Heck utilisait  cette formule actuellement reprise par une partie des médias.

Nous  n'avons jamais  eu la prétention de présenter des données nouvelles. En revanche, nous sommes scandalisés qu’une telle  supercherie perdure   depuis plusieurs années, alors que tous ces faits et circonstances historiques sont connus de tous les professionnels. La transformation abusive de cette vache en "aurochs" a trouvé origine dans une  démarche pseudo-scientifique nazie. Les "recherches de Heck" n’ont été  possibles que  parce qu’elles se sont déroulées dans ce type de  système totalitaire. Pour nous, la politique est indissociable de l’éthique, le premier devoir de la science est la recherche de la vérité,  c'est le  seul "grief politique" que l’on puisse  nous attribuer.

 

Comment on élude le problème

 

     Nous n’avons obtenu, à la suite de la publication de notre article, aucun élément qui puisse susciter un débat. Les activités criminelles de Heck sont bien connues et bien décrites. Cependant certains points de la réponse publiée dans le n°34 nous ont surpris. Les deux "nouveaux éléments" apportés par M. C. Guintard, sont les suivants[3] : "Le trait d'union entre Aurochs et reconstitué en fait donc un nom composé, de sorte que l'Aurochs-reconstitué n'est ni un Aurochs (Bos primigenius), ni un reconstitué, pas plus qu'un Rouge-gorge n'est un rouge ou une gorge". Le second c'est "Il me semble qu'à l'heure où la France et l'Allemagne vont se doter d'une monnaie commune, ce débat est d'un autre âge".

     Notre article a intéressé des journalistes et des scientifiques. Nous avons donc  commenté les propos de Monsieur le Président du SIERDAH, publié dans le Courrier de l'Environnement n°34.  Cette réponse a été adressée à toutes les personnes qui en ont fait la demande.

 

 

 

                            L'affaire du faux-aurochs une insulte à la mémoire ?

 

Dans "Actualités Juives", en juillet 1997,  nous avions publié un court article, afin d’alerter les lecteurs de journaux grand public, sur le scandale lié à la présentation officielle de cet animal.

Nous disions que toute l'histoire de la prétendue "reconstruction" de l’aurochs n'était qu'une fumisterie ordinaire montée de toutes pièces, par la propagande nazie. Nous rappelions  que ce type de falsification était habituel chez les nazis,  et servait de  base idéologique à l’Holocauste. Parallèlement, nous avions préparé un dossier plus documenté destiné aux spécialistes et qui a été publié par le courrier de l’Environnement de l’INRA. D’une certaine manière notre préoccupation  a porté ses fruits. Les "successeurs reconstructeurs", de cette supercherie nazie n'ont pu nous contredire,  ni d’un point de vue scientifique, ni historique (puisqu’ils admettent implicitement  la responsabilité de Heck dans les crimes nazis), ce qui ne les a nullement empêché  de critiquer et de dénigrer notre travail.

Les chercheurs britanniques, qui "osèrent" replacer dans leur contexte exact, les travaux allemands en rapport avec les  V1 et V2, eurent face à eux ce type de détracteurs. Ce fut également le cas des chercheurs qui s’étaient mobilisés  contre la réhabilitation scientifique des expériences nazies faites dans les camps de concentration. Quelles sont  les accusations formulées contre notre travail ? Voici ce que les admirateurs de Heck nous reprochent :  que notre dossier est "peu scientifique",  et que nous n’apportons dans cette affaire aucun  élément nouveau. Ensuite, ils nous expliquent que le nom aurochs-reconstitué signifie que l'animal n’est ni aurochs ni reconstitué, du fait  qu’un trait d’union[4] sépare les deux mots.

Si nous suivons cette logique, il serait possible de commercialiser un Vin-Bordeaux (avec trait d’union)  qui ne serait ni un  vin,  ni d'appellation bordelaise. Mais laissons de côté cet aspect linguistico-humoristique car cette affaire est très grave du fait que :

 

1.                   Dédier  le nom d'un animal à une personne est, pour les naturalistes, le plus grand honneur, qu’on puisse  décerner. Ainsi ces gens qui présentent cet animal sous l’appellation "Aurochs de Heck",

  Rendent, de façon incontestable, hommage à un criminel de guerre nazi. Ceci est d'autant plus critiquable,  que dans sa réponse le SIERDAH[5] déclare ouvertement connaître ces faits, puisque notre article - selon eux - n'apporte rien de nouveau. Il s'agit donc, de révisionnisme scientifique, accompagné  d'un éloge sans précédent, rendu aux agissements criminels d’un scientifique nazi.

 

2. Cette réhabilitation du nazisme se fait au grand jour, (en utilisant des fonds publics ?) et avec la participation d’organismes publics, puisque cet  animal est présenté  dans des parcs gérés ou appartenant à  l’Etat, dont celui de Rambouillet.  Dans le fascicule de présentation  proposé aux visiteurs, aucune  explication n’est donnée, sur la  véritable histoire de cette pseudo-reconstruction.

Le  Président de cet organisme  dans sa réponse souligne dans son alinéa 1 : ... "Il me semble qu’à l’heure actuelle où la France et l’Allemagne vont se doter d’une monnaie commune, que ce débat est d’un autre âge ...." ces termes associent abusivement l’Allemagne et les allemands d’aujourd’hui  à ceux des années 30 et donc au nazisme. Nous ne comprenons pas à quoi correspond ce type d’insinuation. Quant à “ débat d’un autre âge ”, nous pensons que le Président du Syndicat International pour l’Elevage, la Réintroduction et le Développement de l’Aurochs de Heck, n’a aucune compétence, ni droit moral pour en décider.

3. Les lieux de présentation de cet animal, sont visités par de  nombreux groupes scolaires. Ces visites entrent, dans le cadre des cours  de l'enseignement des sciences naturelles. Elles  font, de ce fait,  partie de l'éducation naturaliste des enfants. Peut-on accepter de présenter à des jeunes écoliers une supercherie  scientifique comme "l’une des réussites de la science" ? Peut-on, lors de ces présentations réhabiliter  un criminel nazi, et occulter ce qui s’est réellement passé  en Pologne occupée et de quelles manières  "a travaillé" Heck ? Nous pouvons dire qu’il s’agit de mensonges par omission.

 

4. L'affaire peut être vue sous  l’aspect d'une vulgaire  tromperie sur la dénomination de la marchandise vendue. Il ne s'agit pas uniquement d’obtenir des subventions ( ?) pour reconstituer ces pseudo-aurochs,  mais également de la vente de l’image de cet animal. Dans  plusieurs parcs naturels, les visiteurs paient pour voir un aurochs,  présenté dans  les publicités. Or, ce qui est présenté dans les parcs,  n’est autre qu’un vulgaire bovin. Ce type d’appellation est malhonnête, d’un point de vue commercial, c’est un délit qui  est du ressort et de la compétence des tribunaux (art.44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973).

 

Cette supercherie malgré tous  nos efforts perdure toujours. Le 06/11/98[6] nous avons fait des recherches sur Internet. Nous avons constaté que le SIERDAH[7] utilise toujours le nom d'aurochs et d'aurochs de Heck. Pour cet  organisme l’aurochs a été  reconstruit, puisque cette information figure toujours sur son site.  On peut trouver ce type d’affirmation dans une  publicité de La ferme de l'Aurochs et celle de la Réserve d'Animaux de la Grotte de Hahn. Nous ne disposons ni de crédits ni de laboratoire pour contrecarrer l’énorme médiatique qui tourne autour de cette odieuse fumisterie. Les promoteurs de la pseudo-reconstruction de l’aurochs,  disposent quant à eux de moyens incomparables dont l’origine pour certains de nos correspondants pourrait être douteuse.

 

L’aurochs...une vache honorable

 

Différents médias, ont utilisé fréquemment des qualificatifs qui n’ont dans cette affaire, nullement lieu d’être a été fréquent. Ainsi, dans un  article publié par Science et Vie, n° 975 décembre 1998, le journaliste fait son titre avec  L'honneur de l'aurochs. A cette date,  les journalistes de cette publication avaient lu notre article publié par le Courrier de l’Environnement de l’INRA et savaient que cet animal n'était qu'une vache et non un aurochs.  Pour quelles raisons utiliser ce nom abusif,  accompagné d’un tel qualificatif ? Que veut dire "l’honneur" qui apparaît  dans le titre ? Nous aurions espéré que l'usage de cette expression suscitât le  même type de réaction,  que celle par exemple qui s’était manifestée, sur la formule de Heck que nous avions reprise  "animal préhistorique". D'autant plus, que, présenté de cette façon "l'honneur de l'aurochs" fait inévitablement penser à la "loi pour la préservation du sang et de l'honneur allemand", (loi de Nuremberg de 1935).

 

La prétendue efficacité du "faux-aurochs" dans la gestion écologique.

 

Faire un  parallèle, entre l’utilisation  des différents résultats et applications des sciences et techniques de l'Allemagne nazie, avec ceux qui ont  trait   au  "faux-aurochs de Heck", n’est guère sérieux. Toute comparaison ne peut être qu’arbitraire. La polémique sur les résultats et l’utilisation des découvertes faites par la "science nazie" et leur récupération par les différents pays après la guerre ont fait l’objet de très nombreuses études. Depuis la chute du mur de Berlin, de nouveaux documents en provenance d'une partie des archives soviétiques ont pu être étudiés par les  historiens.  Il est impossible de nier l'évidente efficacité, des matériels dont a fait usage la machine de guerre nazie. Les missiles V1 et V2 ont bombardé avec la précision meurtrière que l’on connaît Londres et menacé l'Angleterre ; le zyklon B est une toxine effroyable, qui a pris une part active dans le génocide de millions d’êtres humains. Que l’utilisation de telles techniques soit condamnable et indignes d’hommes ne fait aucun doute. Les avions, les chars, l’armement et les automobiles du 3ème Reich fonctionnaient bel et bien et étaient d'une qualité équivalente et parfois même supérieure à ceux dont se servaient les alliés. L’efficacité technique de la science allemande était comparable en tous points à celles qu’avaient à leur disposition les forces alliées.

Extrapoler, à partir de ces résultats et vouloir se référer de ces techniques pour tenter de  justifier le "faux-aurochs" de Heck ne peut être un argument convaincant. Cet amalgame relève non de la réalité, mais est utilisé uniquement pour tenter de crédibiliser une supercherie. Ce qu’il y a lieu de dénoncer, c’est une fraude scientifique montée de toutes pièces à des fins idéologiques et propagandistes. Au regard de la science, la valeur de cette "pseudo-reconstruction" est du même acabit que "les recherches" faites par les nazis pour tenter de justifier leurs théories raciales, ou encore les expéditions qu’ils organisèrent pour retrouver le Saint-Graal, censé assurer la victoire du 3ème Reich. Rien de commun avec la Wolkswagen "coccinelle" citée par le Président du SIERDAH[8] dans sa réponse. Il est indéniable que la "coccinelle", est une automobile qui a pendant des années donné satisfaction à ses utilisateurs et transporté des millions de passagers[9].

 

Fort heureusement, "le sens de l'histoire",  n’a pas permis que les espérances du 3ème Reich se concrétisent. La victoire écrasante des alliés sur l'Allemagne nazie, a fait tomber en désuétude, les buts que s’étaient fixés Heck.  Aujourd’hui,  plus personne ne souhaite  démontrer par la présence de cette nouvelle race, "la gloire, la supériorité et la puissance du Reich", l’un des objectifs principaux que poursuivait Heck, à travers ces pseudo-reconstructions. Pierre Thuiller[10], caractérisera ainsi la science nazie : "la première urgence était d'éliminer le "matérialisme" qui avait tout envahi et faire revivre cette conviction: c'est l'Esprit qui anime la nature." Les affirmations de Heck se placent parfaitement dans cette définition ; en dépit des connaissances génétique et naturaliste, Heck prétendait  ressusciter "l'aurochs" et faire ainsi revivre "un animal mythique" après avoir croisé quelques bovins. Il "affirmera avoir atteint son objectif" en comparant les "faux-aurochs" à ceux  représentés dans des documents anciens dont les descriptions sont imprécises, floues, contradictoires  et très souvent totalement légendaires. 

Dans l’importante documentation, destinée à des  campagnes médiatiques, les libertés que les auteurs prennent avec les vérités historiques, sont pour le moins surprenantes. Ainsi, on y trouve des informations, qui font état de la rusticité de ce  "faux-aurochs", cet animal est, pour le SIERDAH, d’une  grande utilité dans la gestion des milieux écologiques difficiles. Il est utile de rappeler qu’au moins depuis le  début du vingtième siècle[11], il est reconnu  que la présence de grands herbivores est nécessaire, qu’elle participe judicieusement de manière active,  à l’équilibre et au maintien de certains types de milieux naturels. Bien évidemment, depuis le début de l'utilisation de ces grands herbivores dans la gestion de milieux difficiles, les spécialistes optent pratiquement toujours, soit pour des réintroductions d’espèces d’herbivores de la faune sauvage présentes autrefois sur les terrains,  soit encore au maintien de techniques pastorales qui reposent sur des races bovines rustiques (parfois sur des ovins ou des équidés) traditionnellement utilisés.

 

Pour résumer cette situation, nous constatons que si l'animal n'est pas "un aurochs" miraculeusement ressuscité et, si personne ne songe " à honorer aujourd’hui  le  3ème Reich",  pour quelle  raison vouloir introduire cette race nouvelle à la place de races rustiques traditionnelles ou d’espèces sauvages présentes autrefois sur les terrains à gérer ? Faire "la démonstration" de la rusticité et de l'utilité de ce "faux-aurochs" dans la gestion des espaces naturels est une nécessité vitale pour les institutions qui  commercialisent cet animal.  Pour justifier l'usage de ce "faux-aurochs", il faut donc à tout prix mettre en avant sa rusticité et démontrer que son utilité écologique est bien supérieure à celle des autres races bovines. Nous ne disposons d’aucuns moyens techniques,  ni de moyens financiers pour pouvoir vérifier les affirmations du SIERDAH sur le terrain. Plusieurs données nous permettent de mettre en doute la valeur  des informations que donne cet organisme,  quant à la rusticité et à l'usage écologique possibles de ce "faux-aurochs". 

Ceci pour les raisons suivantes :

1. Par les informations  qui proviennent directement des expériences de Heck. Dans son livre,  celui-ci nous pouvons lire que c’est sur ordre personnel du Reichmarechal Goering[12] que les vaches issues de ses expériences, ont été  relâchées dans la forêt de la Région de Mazury et  dans la forêt de Bialowieza. Malgré, les affirmations de Heck, aucune de ces vaches n’a pu  survivre dans la nature (contrairement aux bisons d'Europe) et ceci en dépit de plusieurs précautions bien particulières qui avaient été prises. "La loi" nazie, appliquée dans la Pologne occupée par les Allemands, prévoyait qu’un paysan qui oserait abattre ou seulement  tenterait d’abattre l'un de ces "aurochs" serait  immédiatement exécuté, sans autre forme de procès. Les affirmations de Heck, qui prétendait que quelques ("faux-aurochs") survécurent pendant de longues années dans la forêt de Bialowieza, mais en nombre insuffisant pour reconstituer la souche est une affabulation grotesque[13]. En effet, il n'existe aucune observation ni même de données indirectes qui démontreraient que l’un de ces animaux aurait été aperçu après la guerre, ceci, ainsi que nous l’avons  dit précédemment, malgré les très nombreux inventaires faunistiques et plusieurs centaines de publications très sérieuses, qui traitent de la faune de Bialowieza (y compris, celles qui ont trait à la période qui se situe juste après la guerre).

 

2. Après la publication de notre article, nous avons reçu un courrier de M. Thierry Lecomte, qui est l’un des spécialistes européens de la faune des herbivores et de l'usage de ces animaux dans la gestion écologique. Sa lettre était accompagnée d’une étude, faite sur le terrain sur cet animal. Cette dernière n’a à ce jour pas encore été publiée, nous nous abstiendrons donc d’en reproduire  des extraits. Avec l’aimable permission de M. Lecomte,  nous signalons que cette étude émet des doutes quant à la rusticité de cet animal et à son aptitude à gérer des espaces biogéographiquement variés.

 

3. Le SIERDAH, met en avant,  dans ses matériaux publicitaires, la grande rusticité de ces animaux et leur grande "plasticité écologique". Sur ce sujet, une fiche technique est à la disposition du public, sur le site WEB du SIERDAH. Il y est fait état, que   "l'animal (est) très rustique pouvant vivre toute l'année dehors sans bâtiment d'élevage" et est d’une "adaptation facile à des milieux différents (montagne, plaine, zone côtière[14]...)". Mais malgré les recherches bibliographiques que nous avons effectuées sur les diverses bases de données (dont Zoological Records) nous n'avons pu trouver une seule publication, faite par un auteur indépendant, qui confirmerait ces données. Etrange, pour un animal qui possède de "telles qualités et une telle histoire". Notre suspicion est d’autant renforcée, que dans ses "fiches techniques" le SIERDAH reste toujours très général sur les caractéristiques  de ces animaux[15].

Si nous voulons résumer la situation, quant à l’utilité du faux aurochs, nous pouvons nous exprimer ainsi :

Les données historiques (l'histoire des vaches relâchées sur ordre de Goering) montrent, que l'animal était dans l’incapacité de se maintenir dans la nature, même pendant une période relativement courte. Il existe une étude faite, par l’un des plus grands spécialistes dans ce domaine, qui met en doute la "prétendue rusticité" du faux aurochs. Les seules études que l’on nous propose, sont celles  du SIERDAH, qui est partie prenante. Il n’existe aucune étude faite par des équipes indépendantes, il n’y a de ce fait, aucune étude scientifiquement crédible, qui confirmerait  la rusticité et l'utilité particulière de ce "faux-aurochs" dans la gestion écologique. Nous laissons à nos lecteurs le soin de conclure  !!!

 



[1]Vartier J. 1970 Les procès d'animaux du Moyen Age à nos jours. Hachette et Rousseau M. 1964 Les procès d'animaux. Ed Wesmarel-Charlier.

[2]Si nous avons été bref, sur la réponse que nous avons apporté aux lettres de Messieurs Moutou et Guintard, c’est que pour des raisons éditoriales, nous étions limité par la place.

[3] Nous n’avons pas eu connaissance de la version finale de ce texte avant sa publication

[4] Le trait d’union comme son nom l’indique, est destiné à réunir les parties d’un mot composé (Larousse). Il y a dans cet argument une contradiction flagrante entre l’interprétation qu’en fait le Sierdah, et la linguistique.

[5] Le sigle ne laisse également planer aucune ambiguïté sur les intentions véritables des auteurs : Syndicat International pour l’Elevage, la Réintroduction et le Développement de l’Aurochs de Heck.

[6] En mai 99, le site n’a pas été modifié et contient les mêmes informations..

[7] Syndicat International pour l’Elevage et la Réintroduction et le Développement de l’Aurochs de Heck, l’intitulé de ce syndicat est,  on ne peut plus clair.

[8] Voir n°34 du Courrier de l’Environnement de l’INRA

[9]L’aspect "miraculeux" des travaux de Heck l'accompagna même après la guerre. Dans les publications des années cinquante, le Reichemarechal Goering n’est plus cité, pas plus qu’il n’est  fait d’allusion à l’éternel 3ème  Reich, ni aux animaux "originaires de chant germanique".  Pourtant l'idée "Gott mit uns" reste sous-jacente dans ces travaux "scientifiques"; Ainsi nous pouvons lire "It was like a miracle. The first Aurochs for 300 years could be seen alive" (Heck H. The Breeding-back of the Aurochs Oryx vol 1 page 120).

[10] Les Passions du Savoir,  Essai sur les dimensions culturelles de la science. Editions Fayard

[11]Les réflexions sur le rôle des grands herbivores dans le maintien de certains milieux écologiques ont été publiées  probablement pour la première fois, avec   les travaux de naturalistes polonais. Joseph Paczoski, fondateur de la phytosociologie, constata que "les associations végétales, qui faisaient partie de la steppe protégée où le pâturage était  interdit, se transformaient en formes anormales". Cette observation a marqué le début de plusieurs études sur le rôle des herbivores dans le maintien de la stabilité floristique de la steppe. Toujours d'après Paczoski les animaux domestiques (pâturage) ont remplacé en Ukraine les grands herbivores éliminés par l'homme,  dans ce cas bien précis les tarpans et les antilopes saiga. Dans une série d’observations et d’expériences Paczoski étudia l'influence de l'intensité du pâturage sur les successions végétales. Nous rappelons que ces travaux qui présentent le rôle  des herbivores et du pâturage dans le maintien de la biodiversité datent du début du siècle,  et non des années 70, comme  date souvent retenue par certains auteurs.

[12]Ceci montre bien d'un côté l'importance de Heck dans l'appareil administratif et politique du 3ème Reich et l'intérêt que portaient  les idéologues nazis à ses recherches. Malgré les préparations des agressions contre la Pologne, la France, l’Angleterre et plusieurs pays d'Europe,  et  les préoccupations que lui causaient l'Union Soviétique, le Maréchal Goëring (le plus haut dignitaire militaire de l’Allemagne nazie) trouvait toujours du temps à consacrer (et ceci par décret spécial) pour libérer  les vaches de Heck dans les pays occupés.

[13]Heck dans son texte précède cette affirmation par la phrase "j'ai entendu dire que". Il est évident qu'il ne disposait d’aucune information au sujet de la présence de "faux-aurochs" qui auraient survécus "de nombreuses années" après la seconde guerre.  Curieusement cette phrase dans la traduction française (voir C. Guintard « La remise en liberté de l’aurochs de Heck », Bull. Soc. Sc. Nat. Ouest de la France, nouvelle série tome 18 (1) 1996) se transforme en "Heck (1954) rapporte que".  Ainsi elle perd son sens réel et "miraculeusement se crédibilise" . Dans l'original Heck prétend seulement "avoir entendu parler" (on ne sait ni où, ni de qui, ni comment, Heck  a  put obtenir cette information). Dans   la traduction qui nous est proposée, il est dit que : Heck rapporte que les animaux ont survécu, ce qui laisse supposer qu'il aurait disposer d’informations crédibles ou de données naturalistes, (ce qui dans la version originale n’est nullement le cas).

[14] Heck était beaucoup plus prudent que le SIERDAH sur  "la plasticité écologique" de cet animal et ne  prévoyait son introduction uniquement dans un milieu bien déterminé, celui  des forets de Mazury et de Bialowieza. Il  n’a jamais été dans les intentions du 3ème Reich ni de celles de Heck,  comme c’est le cas du SIERDAH, de commercialiser les "faux-aurochs" (sa position dans l'appareil nazi garantissait d'avance l'intérêt pour cet animal "mythique").

[15]Cet organisme conseille cet animal dans la gestion de différents environnements, sans préciser ni même connaître, ni les préférences alimentaires de cet animal, ni la composition floristique des milieux qu’ils prétendent être aptes à gérer, ni même l’existence du besoin de l’introduction de grands herbivores dans le milieu donné.

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