La province suit l'exemple d'Oslo dans la propagande méthodique pour la restriction des naissances dans les classes populaires. Le Tidens Tegn, du 27 avril, a annoncé que le 25 du même mois s'était ouvert, à Skien, un bureau d'hygiène maternelle analogue. à celui qui fonctionne à Drammen, depuis la fin de janvier, et à, ceux qui s'ouvriront prochainement à Bergen et à Trondhjem.
A Skien, deux jeunes femmes d'Oslo, l’une doctoresse, l'autre sage-femme, le dirigent. Elles se sont heurtées à bien des difficultés, mais nous sommes pleines d'entrain, dit la doctoresse au reporter. Nous ouvrons notre bureau dans de bonnes conditions relativement. Nous avons, en effet, la chance de pouvoir offrir deux salles à nos clientes... L'une sert à l'examen médical et l'autre à l'enseignement de la technique préventive. Un encouragement de très grande importance pour nous,- c'est que l'Association des médecins. du Télernarlien (une des provinces norvégiennes) a voté à l'unanimité une résolution déclarant notre institution justifiée. En plus d'un grand appui devant l'opinion, cela signifie que les médecins nous enverront leurs patientes.
— En quoi consiste votre action dans ses grandes lignes ?
— A enseigner la puériculture, les soins aux nouveau-nés, l'alimentation des nourrissons, à enseigner l'emploi de moyens préventifs, à diriger et conseiller autant que nous le pouvons. Les consultations sont entièrement gratuites.
— Vous attendez-vous à beaucoup de difficultés ?
La plus grosse, sans doute, sera, comme dans les autres bureaux d'hygiène, que les gens confondent les moyens préventifs et l'avortement provoqué..
Nos bureaux se bornent à aider à prévenir la conception. Et malheureusement, bien souvent, on vient à nous, quand c'est trop tard. L'avortement n'est pas notre affaire....
L'Eglise luthérienne, en face de ces progrès méthodiques, apparaît décidément bien divisée et impuissante. A une réunion de pasteurs, à Oslo, l’un a dénoncé les progrès de «la nouvelle morale sexuelle » dans toutes les classes de la société et réclamé, devant le scandale d'Oda, où toute la, population ouvrière pratique l'union libre, plus de fermeté chez les pasteurs dans l'affirmation d'une morale chrétienne. Un autre a nié qu'il y eut une nouvelle morale : villes et campagnes ont déjà connu, en Norvège pareil relâchement des mœurs. Mais il s'agit pour le clergé de « vivre une vie foncièrement chrétienne conforme à ce qu'il exige d'autrui. Pour un troisième, au contraire, on est bien en présence d'une « morale nouvelle» en train de révolutionner le mariage, morale pratiquée pour des raisons spéciales qu'il faut avoir le courage de mentionner. Le problème du logement et le chômage rendent impossible aux jeunes de se marier à un âge raisonnable. Un quatrième a remercié le précèdent de lever le voile sur les conditions sociales » aujourd'hui du mariage et de ne pas, fermer les yeux sur ce qu’on trouve en Norvège et qui s'appelle « mariage camaraderie ».
Sources :
Je suis partout du n° 25 du 16.05.31 p.8
Nous écrivions la semaine dernière que, contrairement à certaines appréciations trop officieuses, il ne fallait pas croire que le national-socialisme était abattu, et nous énumérions divers indices d'une « seconde vague hitlérienne ». Les élections, qui ont eu lieu dimanche dans le pays d'Oldenburg pour renouveler le Landtag, sont venues confirmer notre pronostic, et le Volkischer Beobachter, l'organe officiel d'Hitler, peut déclarer fièrement : Oui, la seconde vague est là ! Et bientôt elle formera un véritable torrent !
Le fait est qu'à peu près tous les partis politiques s'accordaient depuis quelques semaines pour reconnaître dans leur presse que ces élections partielles prendraient la valeur d'une indication barométrique. Le baromètre a fonctionné et il a marqué : Nazis. Le parti d'Hitler augmente ses voix dans la proportion d'un quart, tandis que ses alliés, les nationaux-allemands d'Hugenberg, se maintiennent à peu près. Les populistes, les démocrates du parti d'Etat, le parti économique et les agrariens perdent la moitié de leurs électeurs ; seul, le Centre catholique conserve ses positions. Les communistes gagnent des voix, mais les socialistes en perdent le double, si bien que la presse nationaliste peut cette fois-ci proclamer qu'elle a entamé gravement le marxisme.
Les organes des partis de droite qui, tout en se rangeant dans la majorité du gouvernement Brüning, combattent la collaboration du Centre catholique et du socialisme en Prusse, tentent de dissimuler leur déception en interprétant la nouvelle avance hitlérienne comme une conséquence de l'alliance regrettable du chancelier centriste avec les « bonzes » rouges de la sociale ». Mais la presse démocratique est plus positive lorsqu'elle reconnaît avec la Frankfurter Zeitung que malgré tout l'affaire est peu encourageante pour le gouvernement...
Sources :
Je suis partout du n° 26 du 23.05.31 p.3
Sélectionné et mis en forme
Jean Aikhenbaum