Le correspondant du Times à Los Angeles envoie un compte rendu sur le nouveau film de Charlot, Les Lumières de la ville, dont la présentation a déchaîné à Hollywood un enthousiasme délirant.
M. Charlie Chaplin, vient de faire un suprême effort pour rendre au film muet sa place au soleil. Si, après deux ans de travail, le résultat n'est ni supérieur, ni inférieur à ceux qu'il avait obtenus dans ses dernières œuvres, cela ne prouve nullement que M. Chaplin n'ait pas atteint son but.
Les ovations délirantes de ses camarades d'Hollywood et du public idolâtrent de Los Angeles ne sont évidemment pas des gages certains d'un succès mondial, mais le génie de M. Chaplin, en tant qu'acteur, et le fou rire qui s'est emparé de la salle prouvent certainement que Charlot et ses pairs (s'il en a) peuvent sauver l'art de la pantomime sur l'écran au moins au même degré que des génies isolés ont pu le prolonger sur la scène.
L'intrigue des Lumières de la ville est naturellement tout à fait dans la manière de Charlot ; c'est un échafaudage de farces plus ou moins invraisemblables. Portant son costume habituel de vagabond et son inévitable chapeau melon, Charlot devient amoureux d'une petite marchande de fleurs aveugle qui se tient à un carrefour tumultueux d'une ville américaine.
Un jour, il rencontre un Américain milliardaire typique, avec lequel il s'enivre dans un club de nuit. Il l'amuse, lui enlève ses idées de suicide et devient son ami intime. A cela près que, lorsque le Crésus est dans son état normal, il ne se souvient ni de son compagnon, ni de ses expéditions nocturnes. Dans un de ses moments de générosité, l'Américain donne à Charlot 1.000 dollars qui lui serviront à payer l'opération qui fera recouvrer la vue à la petite aveugle....
Une autre scène extrêmement comique nous fait assister au combat que Charlot, pour gagner la main de la jeune fille, livre à deux boxeurs redoutables, un nègre et un blanc.
Pourtant, on retrouve aussi les sentiments charmants et émouvants du Charlot que nous avons connu et aimé dans La Ruée vers l'or. La petite aveugle le prend pour un milliardaire, et Charlot se garde de la détromper.
De plus en plus nombreux deviennent les romans qui traitent du problème (si ce n'est, toutefois, un dilemme) d'Israël chez les nations. Dans les livres des auteurs juifs, un Jacob Wassermann en Allemagne, un Ludwig Lewisohn aux Etats-Unis, l'invention romanesque ne sert qu'à introduire un poignant examen de conscience, qu'à justifier une profession de foi. Wassermann, qui écrivit, à ses débuts, les « Juifs de Zirndorf », évocation du grand rêve messianique de la race, parvient à résoudre l'antinomie de sa double nationalité : il aura parcouru son chemin à la fois comme Allemand et comme Israélite. Ce conflit des deux traditions, des deux caractères ethniques et natures morales, est présenté dans « Lévy », de M. J.-R. Bloch, comme une crise passagère ; son histoire nous conduit des jours troublés de l'Affaire jusqu'à la veille de la guerre, où les Juifs ne formeront plus, selon le mot de Barrès, qu'une des familles spirituelles de la France. Un Lewisohn, par contre, fait, avec amertume, ses adieux à la civilisation chrétienne ; pour se réfugier où ? Il est détaché des rites ancestraux, ne croit pas au retour dans la Terre promise.
il lui reste « l'île intérieure »; un territoire non géographique, mais intellectuel, la sphère idéale du judaïsme, l'héritage indélébile d'une manière d'être et de penser nationale. Cette thèse de l'originalité foncière, inaltérable du peuple élu (conception à double tranchant, car elle sert, à la fois, à glorifier Israël et à l'exclure de la vie des nations) est illustrée, du côté chrétien, par le célèbre cycle des frères Tharaud, explorateurs minutieux des ghettos de Galicie et autres royaumes de Dieu ; ils peignent, avec une sympathie compréhensive, la sainteté sordide, la poétique misère des exilés à l'ombre de la croix ; mais ils s'élèvent dans un âpre pamphlet contre l'action révolutionnaire et destructrice des Juifs dans la Hongrie de Béla Kun.
Stefan Zweig : La guérison par l’esprit.
Dans ce livre imprévu d’une conception hautement originale, Stefan Zweig aborde un domaine nouveau, celui de la guérison par l’esprit, titre qui reproduit sans presque le modifier, celui d’un ouvrage célèbre de Charcot.... il nous montre ces grands remous d’idées et de force par quoi l’humanité désespérée déserte la médecine matérialiste, ses vaccins et ses routines pour s’attacher aux hérésies idéalistes des empiriques des docteurs miraculeux excommuniés par la faculté. Le monde veut être trompé, surtout s’il cherche à s’évader de la souffrance : et si grand est ce désir, que l’imposture en devient salutaire....
la suggestion victorieuse parvient à altérer profondément le processus physiologique de la maladie. Des rites de « grande médecine » du féticheur sioux au « je vais mieux » du pharmacien Coué, des simagrées du rebouteux de village aux guérisons de Lourdes, nous voyons le corps en peine délivré de ses maux par l'âme consentante, avide de miracle croyante ou tout simplement, crédule.
La guérison par l'esprit est donc une réalité ! Mais le mot « esprit » crée une confusion. Il ne s'agit pas de la raison, car pour participer du miracle l'intelligence doit abdiquer, mais de forces psychiques irrationnelles, d'une exaltation de la volonté par l'imagination qui permet au perclus de jeter ses béquilles et à l'aveugle de voir la lumière. « Vous devez savoir que l'action de la volonté est un grand point en fait de médicament, écrivait le Paracelse, précurseur faustien des guérisseurs modernes. M. Zweig cite cette autorité dans la lutte contre l'autorité. Mais il dédie son livre à Albert Einstein, le mathématicien ; contradiction plus apparente que réelle, puisque Einstein a détruit l'image que nous nous faisions du monde pour la reconstruire sur des bases nouvelles. Et ce n'est que le semblant d'un paradoxe, si j'affirme que l'auteur traite son sujet avec une impartialité passionnée ou encore avec un scepticisme enthousiaste. A aucun moment il n'est dupe des théories qu'il expose, ni des caractères qu'il peint. Mais il voit dans la superstition absurde autant qu'elle est salutaire dans les cures imaginaires triomphant de la maladie organique, dans ces phénomènes de suggestion qui magnétisent les multitudes ignares et inertes, moins une déformation qu'un enrichissement de la vie intérieure....