Il y a deux ans, une querelle s'était élevée entre l'action catholique et les dirigeants fascistes parce que ceux-ci craignaient qu'à la suite du Concordat de Latran l'activité de cette organisation parvint à regrouper sous le signe de la Croix la jeunesse italienne que le fascisme avait enrôlée sous le signe du lecteur.
Cette querelle, qui avait paru s'apaiser après la visite de l'ancien secrétaire général du parti fasciste au Pape, s'est ranimée il y a quelques semaines. Il semble que la campagne de presse menée contre l'Action catholique par la presse fasciste, et en faveur de l'Action catholique par l'Osservatore Romano, organe officieux du Vatican, ait atteint, il y a quelques jours, son paroxysme. Nous publions ci-dessous un certain nombre de citations à titre strictement documentaire.
Le Lavoro fascista, au mois d'avril déjà, déclarait que :
« L'Action catholique » avait pris une position nettement antifasciste et contraire aux lois de l'Etat alors que son activité devait se borner au domaine religieux et moral, tandis qu'elle s'occupe résolument de l'organisation des forces ouvrières.
Plus récemment, le même journal écrivait que : Si l'Action catholique » juge nécessaire d'élargir son activité à l'assistance ouvrière, cela signifie qu'elle estime que les ouvriers ne sont pas protégés suffisamment par le syndicalisme fasciste. Et si elle refuse d'accepter cette thèse, cela signifie qu'elle cherche, par des manœuvres silencieuses et averties, à saper les fondements du syndicalisme d'Etat en espérant le supplanter dans ses fonctions et, dans ses buts.
D'ailleurs, ajoute le Lavoro fascista, cette manière d'agir de « l'Action catholique ne nous étonne pas, tous ses dirigeants étant d'anciens éléments du parti démocrate dissous par le fascisme. L'antifascisme et l'illégalité « l'Action catholique » sont clairs jusqu'à l'évidence, .......
Quant au Lavoro fascista, son langage devient de plus en plus dur et il imprime que, en organisant cette année quatre grandes manifestations :
la célébration du concile d'Ephèse, celle de l'anniversaire de l'Encyclique de Léon XIII De Rerum novarum, l'assemblée générale de « l'Action catholique » elle-même et une semaine sociale qui aura lieu à Padoue, « l'Action Catholique » s'est appliquée, à l'instigation du Vatican et de la secrétairerie d'Etat, à grouper toutes ses forces en sections spéciales afin que de telles manifestations servent d'avertissements à ceux qui, avec les erreurs actuelles, répandent comme autrefois l'hérésie à Rome même.
Tout cela, et en particulier la commémoration de l'Encyclique De Rerurn novarum qui, en raison même du changement des conditions économiques et sociales et surtout de l'organisation du mouvement syndical et corporatif en Italie, a perdu toute valeur d'actualité, se concilie mal avec le programme exclusivement religieux que l’A.C. se doit d'observer. D'ailleurs, l'activité de l'A.C. inquiète les milieux fascistes. Il n'y a pas bien longtemps qu'à Milan M. Giurati a dit : Mussolini a exprimé sa pensée religieuse et antimaçonnique avant la marche sur Rome.
C'est pour cela que nous assistons avec une certaine surprise à toute une grosse manœuvre destinée à sauver ce qui a été déjà sauvé. Et à ceux qui, pour justifier une action peut-être inutile et périlleuse, font appel à un paragraphe du Concordat, nous répondrons seulement que le Concordat a été stipulé par le Saint-Siège avec le régime totalitaire fasciste et avec le régime corporatif fasciste.....
Les jours traversés par l'A.C. sont des plus difficiles. L'ennemi a peur de nous soit à cause du courage de nos amis toujours prêts à obéir à nos ordres, soit à cause de la puissance de notre organisation répandue dans toutes les régions.
Nos groupements préoccupent le fascisme parce que, s'ils agissaient à un certain moment, d'accord et simultanément, ils pourraient changer la situation...
On voudrait détruire notre organisation.
Nous devons la garder et la défendre à tout prix. Nous devons agir avec une grande prudence. Notre activité doit se déployer de façon à être et à ne pas apparaître. La presse catholique a dû tomber en léthargie. Mais sa léthargie est comme celle du blaireau qui, après son sommeil, est plus fort et plus agressif qu'avant, car ses ongles ont poussé et il est mieux en mesure d'arracher sa proie.
D'ailleurs, nous aurons bientôt quatre grands journaux catholiques, que nous opposerons avec efficacité à la presse fasciste délétère. Le lendemain, en citant et commentant le discours fait par le Pape aux élèves de l'Institut Pie XI des Salésiens, reproduit avec vue, le Pape a qualifié l'heure présente « la plus triste parmi les plus tristes de sa vie » et a ajouté : Vous venez nous consoler au soir d'un jour qui a vu la brutale violence atteindre ce qui nous est le plus cher, « l'Action catholique, dans son élite, c'est-à-dire la jeunesse.
Nous avons naturellement le droit et le devoir d'invoquer un traité et un Concordat, et des démarches diplomatiques ont déjà été entamées, mais rien ne peut empêcher l'évêque de Borne d'élever la voix. On peut nous demander notre avis, mais non pas notre silence...
l'Osservatore Romano de dire : Le monde sait maintenant, au contraire, de quelle façon a été traité l'A.C. dont nous avons, à plusieurs reprises, indiqué le caractère religieux et non politique. A l'heure actuelle, étant donné les tentatives de conciliation qui ont lieu entre le Quirinal et le Vatican, le Lavoro fascista et l'Osservatore Romano ont suspendu, mais pour combien de temps ?
Choix de Textes proposés par Jean Aikhenbaum
Sources : Je suis partout du n° 31 et articles de presse divers